ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )
25 Avril 2013
Du contrat social au pacte environnemental
Petit manifeste d’écologie algérienne
#4
Aicha et Nouara Latrèche (de gauche à droite), comme beaucoup de femmes rurales algériennes sont des trésors de savoir écologiques sur lesquelles il faut veiller...
Dans la Nature profonde des Algériens et des Algériennes, le bien-être ne peut être un bien privé, c'est quelque chose que l'on se doit de partager avec le reste de la communauté. L’étude de la très longue Histoire des hommes et des femmes qui ont peuplé le territoire Algérien, les témoignages de nombreuses personnes âgées que j’ai pu récolter en Algérie ainsi que les nombreux élans de solidarité dont j’ai pu être témoin à travers le pays, m’ont amené à oser , malgré le contexte actuel de la société Algérienne, une telle affirmation, pour ne pas dire un tel rappel.
Dans la tradition Algérienne, posséder ne suffit pas pour être digne de respect; il faut savoir partager, donner un peu de ce que la Providence vous a offert aux moins chanceux ainsi qu'aux plus démunis. C'est un fondement de la Culture Algérienne. Nul ne pourra le nier s'il connaît vraiment l'âme profonde des Algériens.
Bien que pour certains, le personnage ne soit pas exempt de controverse dans son propre pays, j’aimerais rappeler que l’Emir Abdelkader, père incontestable de l’Algérie Moderne, marqua son temps par un des actes les plus charitable et solidaire de l’Histoire de l’Humanité ; au point d’être reconnu mondialement pour s’être interposé, avec notamment des Algériens dans ses rangs, contre un massacre de chrétiens commis par des troupes musulmanes. Rappelons que, s’il y a bien un Homme qui a souffert de l’injustice des chrétiens de son époque, c’est bien lui, l’exilé, et que dire des Algériens et Algériennes alors sous le joug d’une injuste colonisation et qui prirent les armes contre une telle intolérance et injustice?
Si je n’insiste pas sur le fait que l’Islam est inscrit dans la Constitution Algérienne comme religion de tout un peuple, sur l’influence de cette religion sur la Culture Algérienne, c’est avant tout pour ne pas paraître prosélyte tandis que je ne peux prétendre au statut de bon pratiquant…Mais cela ne m'empêche pas d'être profondement attaché à cet héritage, comme nombre d'autres Algériens dans mon cas...
Dans la Nature Algérienne, il me semble que l’économie des ressources naturelles, leur gestion sur le long terme, le soucis d’en laisser suffisamment à la disposition des autres, de ne prendre que sa part et de laisser toujours celle qui revient à la Nature, toutes ces valeurs sont importantes. Voilà, comment, par exemple, en appliquant ces préceptes, mon grand oncle Chaïb El Haidi Latrèche et tant d’autres Algériens, ont jadis extirpé leur famille de la misère, bâti même de vrais petits empires familiaux. Ce qu’un tel homme avait réussit à réaliser sur ces terres, sans engrais, ni pesticides, avec une connaissance et un respect total de son environnement, des ses animaux et de ses voisins a fait de lui l'homme le plus riche et respecté de sa région. Ces dix fils , après sa mort, faute d’avoir appliqué les enseignements de leur père et d’avoir cédé à la société de consommation privilégiant l’intérêt personnel sur le bien commun, n'arrivent pas, aujourd'hui à joindre les deux bouts et, leur terre est malade à force de subir des ependages d'engrais et de pesticides.
Nouara, son épouse qui lui a survécu (Allah yahmou), pour peu que je l’interroge, me raconte souvent ses aventures nomades à travers l’Est Algérien, quand elle avait vingt-ans et qu’elle voyageait notamment à travers le pays en dissimulant dans « sa caravane » une partie du trésor du FLN. Elle n’a jamais rien réclamé en échange d’ailleurs car, comme beaucoup, elle l’a fait « pour le peuple et pour Allah ». Pour Nouara et nombre de ses paires, on a d’ailleurs toujours abordé chaque chose ainsi.
Pour cette femme rurale Algérienne, rien n’est plus précieux que son environnement et la tradition. « C’est en respectant cela que j’ai pu survivre ! » me rappelle-t-elle souvent. Elle vit en parfaite symbiose avec la nature qui l’entoure ; au point de vous dire en humant l’air matinal, quel temps il fait à Alger ou dans une autre wilaya.
Mais, si jadis, Nouara connaissait les plantes qui guérissent, les végétaux qui nourrissent, les gestes qui préservent, à présent il en va autrement. Le monde qui l’entoure a tellement changé et, on lui a fait croire que la médecine moderne était plus efficace que sa médecine traditionnelle. Résultat : comme beaucoup de femmes de sa génération qui ont vécu des traumatismes terribles à cause, notamment de la guerre, elle est devenue totalement « accro » aux antis dépresseurs; au point de se pourrir à présent l’estomac et d'aggraver son état de santé. D’autant que cette vieille femme, qui prenait surtout des remèdes préventifs n’a pas été sensibilisé à la posologie de tels médicaments. Voilà pour moi un des exemples flagrants de pollution de notre Nature profonde.
Nos anciens prévenaient avant de guérir. Prenaient soin de leur alimentation, savaient que l’eau à température ambiante meilleure pour la santé, comment lutter contre le froid ou le chaud avec des procédés naturels. Ils n’avaient pas la science, mais leur savoir était immense. Ils n’étaient plus libres dans leur propre pays, mais leur âme était noble et leur amour de leur terre sincère.Ils n'avaient pas beaucoup de médicaments puissants, mais ils tombaient rarement malades, bien moins que les Algériens d'aujourd'hui gavés de "médocs" aux provenances parfois même douteuses.
Ce qui manquait à ces Algériens, est censé être à la disposition de la Jeunesse d’aujourd’hui…Mais, si elle oublie ce patrimoine, alors, il n’y aura plus de vrai Hommes et de Femmes en Algérie et la Nature Algérienne ne vaudra plus un clou… Pardonnez- moi l’expression un peu provocante mais je le pense sincèrement!
Si les jeunes ne se rappellent pas que le bien commun est la valeur primordiale des Algériens, s’ils ne se le réapproprient pas, par la voie de la démocratie et du débat social qu’ils doivent certes imposer notamment en ce qui concerne la maîtrise de leur environnement, alors qui le fera ? Les gens de ma génération ? Trop vieux, nous ne sommes là que pour planter des graines en leur compagnie, peut-être verrons nous quelques beaux arbres pousser, mais j’ai du mal à imaginer que nous en goûterons les fruits…Mais comme dit Nouara « C’est pour … », je sais que beaucoup d’entre nous on accepté de travailler avant tout pour les générations à venir.
Car, aucune planification de la préservation de l’environnement en Algérie ne se fera si elle n’est pas inscrite dans un projet intergénérationnel ; et ce dans tous les sens du terme. A travers les générations, entre les générations, voilà le champ d’action idéal pour un changement qui dure…Notre génération doit reposer certaines bases avec le concours des jeunes qui ont forcement de nouvelles approches ainsi que de nouvelles aspirations. Celles qui nous ont précédées doivent enregistrer leurs témoignages, participer, quand leur santé le permet, à des formations dont ils seraient le principal pôle d’échange.
Prenons l'exemple d'un procédé ancestral africain qui a été réactualisé.Il est possible de garder au frais pendant de longues journées des denrées alimentaires et des médicaments en séparant deux pots d'argiles imbriqués par une couche de sable humide. Ainsi, ce "frigodésert" de faire baisser la température des denrées qui s’y trouve de plusieurs degrés en quelques heures. Cette idée a été appliquée à une plus grande échelle et a permis de réaliser des économies d’énergies et de matériaux polluants dans des régions peu habitées et très chaudes dont les locaux n’ont d’ailleurs souvent pas les moyens de s’équiper de réfrigérateurs.
Il est clair que d’un point de vue curatif, c’est-à-dire pour guérir le mal qui a été fait, le recours technologie, même exotique, ne peut être exclu. Mais, non seulement il faudra se hâter à les maîtriser (c’est ce que le gouvernement semble annoncer), mais il faudra aussi que « Moul’el Dar » , le bon père et la bonne mère de famille Algérien, redevienne le leit motiv de gouvernance dans ce pays… J’entends par là que nos anciens ont toujours préféré prévenir que guérir et ont su faire confiance aux bienfaits de la Nature pour leur assurer santé et bien-être. Car à vrai dire, le changement, pour moi, ce ne doit pas être « maintenant », mais tous le temps, au quotidien, la somme d’une multitudes de petites évolutions personnelles s’inscrivant dans la quête d’un bien-être commun ; non par « bisousnourserie », mais bien parce qu’il est impossible d’être heureux seul et encore moins entouré de misères…
Karim Tedjani
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