11 Septembre 2012
Le ministre de l'agriculture, Rachid Benaïssa, ce dimanche, sur les ondes de la radio nationale, a démenti ses pronostics sur la production céréalière de cette année 2012 et annoncé qu'il allait encore recourir à l'importation; le mois de juin dernier son département avait annoncé qu'il n’allait pas recourir à l’importation de blé dur et d’orge en raison de bonnes prévisions de récolte.
C'est une véritable cacophonie qui s'empare du ministère de l'Agriculture et du développement rural. En effet, au mois de juin dernier, le directeur de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), M. Noureddine Kehal avait annoncé que l’Algérie n’allait pas recourir à l’importation de blé dur et d’orge en raison de bonnes prévisions de récolte pour la campagne 2012. Une annonce faite "dans la précipitation", selon le ministre, Rachid Benaïssa, puisque la canicule et les annonces de flambée de blé sur les marchés internationaux ont poussé l’OAIC à revoir cette décision en anticipant des achats à l’international. Quelques jours plus tard, la même office se contredit en affirmant que ses importations en blé tendre allaient se poursuivre en 2012 pour faire face à la demande nationale en précisant que les réserves dont dispose l'Algérie suffisaient à peine pour une période de trois mois.
Ce dimanche, intervenant sur les ondes de la radio nationale, le ministre de l’Agriculture et du Développement Rural Rachid Benaïssa a revu les chiffres de la production céréalière à la baisse: "La production céréalière de l’Algérie pour la campagne 2011-2012 devrait se situer autour de 52 millions de quintaux (qx) contre 56 millions de qx prévus initialement. Début juin nous avons annoncé qu’on ferait entre 56 et 58 millions de qx. Maintenant, on est en train de parler de 52 millions qx en raison de la canicule et également des incendies qui ont touché quelques parcelles de terre agricoles" Les raisons invoquées pour justifier cette baisse de production au niveau national, à savoir les incendies et la sécheresse, paraissent très aléatoires face au vrai problème touchant à la dilapidation des terres agricoles dilapidées par la maffia du foncier en toute impunité. Plusieurs affaires de détournement de terrains agricoles ont fait scandale et sont restées lettres mortes. L'agression des terres agricoles de l'ex-domaine socialiste Kherrab Abdelmadjid, au nord de la ville d'El Milia, a fait l'objet depuis 2006 de multiples correspondances adressées par la subdivision des services agricoles depuis 2006 aux différents organismes: "Aucune suite n'a été donnée à ces correspondances par le biais desquelles nous avons tenu à saisir l'APC et la daïra de toutes les étapes des constructions illicites qui sont venues agresser le tissu agricole de ces terres", a dénoncé à l'époque le subdivisionnaire des services agricoles. Sur sa table un volumineux dossier rappelle, en effet, qu'une vingtaine de correspondances, dont la première remonte au mois d'août 2006 et la dernière au 24 août 2010, ont été adressées aux services concernés sans que les auteurs de ces constructions ne soient inquiétés. D'autres affaires, celles des terres alluviales de l'Ouest d'Alger qui risquent de disparaître au profit de grands ensembles hôteliers, ou encore les terres agricoles soumises à des transactions illicites dans la wilaya de Boumerdès, sont également restées sans suite.
Lors d'un colloque international organisé à Alger en 2008 sur le thème "La sécurité alimentaire et mondialisation : quelle stratégie pour le développement agricole en Algérie", des experts nationaux et étrangers se sont penchés sur la question. Certains chiffres avancés par les experts illustrent on ne peut mieux l'état de déliquescence atteint par un secteur stratégique laissé en jachère et abandonné au profit de la maffia du foncier: de 1958 à 2001, la surface agricole utile (SAU) a subi des pertes. En 1958, la superficie moyenne par exploitation était de 13 ha ; en 1973 elle chutait à 11,5 ha pour se situer autour de 8 ha actuellement alors que la population a triplé. En 2010-2011, l’Algérie, grand importateur de céréales, avait réalisé une récolte d'à peine 45 millions de quintaux.
En août dernier, l’OAIC avait acheté 500.000 tonnes (T) de blé dur pour couvrir les besoins du début de l’année 2013. L’OAIC est également sorti sur le marché en juin pour importer 600.000 tonnes de blé tendre au prix de 286 dollars/T contre un prix actuel de 350 dollars/T. Pour l'actuel ministre de l'Agriculture, M. Benaïssa, ces opérations d’importation anticipées visaient à assurer la sécurité de l’approvisionnement du pays. "Il ne s’agit pas de question d’humeur mais plutôt d’actions stratégiques structurées", a-t-il précisé. Sur la sortie tardive de l’Algérie sur les marchés internationaux qui a effectué des achats au moment fort d’une flambée des prix, le ministre s’est défendu expliquant que les annonces de hausse de prix doivent être d’abord être étudiées pour "savoir si elles sont permanentes ou conjoncturelles."
Ce qui fait du recours sans cesse croissant à l'importation de céréales une question de survie nationale très improbable.
R.N avec APS