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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Quel environnement pour les Algérien(ne)s d'aujourd'hui"(Pourquoi il faut d'abord mieux vivre la nature en Algérie)" Par Karim Tedjani

 

Deuxième partie: La nature algérienne oubliée...

 

L’histoire de l’île de Néru, dans le pacifique australien, est une parfaite illustration de cette  nouvelle vitesse vertigineuse à laquelle nous  sommes en train de nous éloigner dangereusement  de nos essentiels, même en Algérie.

Après avoir découvert que cette dernière regorgeait du plus grand gisement de phosphate au monde, si essentiel à la fabrication d’engrais chimiques, cette minuscule colonie australienne acquiert son indépendance et, fort de ses 2000 indigènes, devient la nation indépendante la plus riche du monde dans les années 80. En effet, le PIB  par habitant dans un si  petit pays aussi  fortuné est mirobolant.  De nouveaux venus affluent attirés par  le gain facile que représente une telle manne rentière. On passe de 2000 habitants à près de 20 000 résidants.  Une culture industrielle s’installe, l’argent afflue, les projets les plus pharaoniques et improductifs sont  développés par des élites  initiées à  la corruption d’Etat . Les locaux découvrent très vite aussi  les joies du gaspillage et de la mal bouffe. La vampirisation du pays par des firmes étrangères  devient presque institutionnelle. En l’espace de deux générations,  c’est le désastre écologique et la ruine d’un peuple. Après un boom fulgurant de la population, vers les années  deux mille, la nation Néru a atteint le seuil critique avant extinction des mille cinq cent habitants. Jadis si réputés pour leur grande vitalité et force, ce petit peuple se meurt à présent du cancer, tous les habitants sont  devenus diabétiques, fainéants et incapables de concevoir leur avenir autrement que par la rente…

La vitesse à laquelle  se dégrade l’environnement algérien  est  encore  plus  inquiétante que l’actuelle proportion que la pollution prend dans ce pays. C’est une crise de fond et de forme.  

Je me souviens,  aussi, de ce trajet en bus passé en la compagnie d’un très vieux « pépé » dont seule la Tawra algérienne a le secret de fabrication. Un gentil vieillard qui tenait à peine sur ses jambes  et qui avait par contre encore gardé  toute  la fraicheur de l’esprit.  Il  rayonnait d’un sourire qui restait  angélique même quand il se mit, au bout de quelques politesses échangées, à me parler de la  fin de la colonisation.

Sans colère, ni flagornerie,   il me fit un bref panorama de son époque, en  me décrivant pourtant des scènes parfois  outrageusement atroces. Il me raconta aussi que, les paysages que je pouvais apprécier de la fenêtre du bus, étaient assez récents.

 _ « Avant, tu sais, il y avait des immenses forêts denses à la place de cette autoroute. Jadis, bien avant moi,  même, on racontait qu’elles étaient le territoire de lions et de panthères.  Mais, déjà, les Français n’aimaient savoir que l’on pouvait s’y cacher malgré tout  et échapper ainsi à leur vigilance ! ».

Des Lions ? Pas de problème pour eux, il y avait, parait-il, des hommes comme mon ancêtre maternel, Sidi Mansour Boulazaz, capables même de les chevaucher paisiblement par la seule puissance de leur Amour  et de leur Foi. Tout est allé si vite en Algérie, entre moi, le fils d’immigré,  et ce charmant bonhomme  dont les chemins se séparaient à Berahal. Non sans me donner ses bénédictions et  déplorer la vitesse à laquelle on avait continué, depuis l’indépendance, à  laisser détruire les arbres en Algérie.

 

 _ « Ces  soit disant maquisards nous  ont certes  donné  beaucoup plus que ce que les Français ont bien voulu nous céder de nos propres richesses, hamdoulillah… Mais s’ils avaient vraiment connu « el harb » (la guerre) , ils   n’auraient jamais oublié que c’est grâce à ces forêts que l’on a pu survivre  et échapper à ces  Gewris qui ont tenté de  nous exterminer… Votre  époque a  changée, certes, mais quand je vois ce que vous faites à nos forêts, je me dis que,  l’esprit des  hommes qui  ont fabriquée la mienne n’a pas cessé d’être, lui! »

Les  Algériens  du temps de Nouara et de ce vieil homme   n’étaient déjà plus seulement  des « sauvages » modernes, des indigènes certes analphabètes pour la plupart qui subissaient la modernité française plus qu’ils n’en profitaient.  Leur génération n’en demeurait pas moins à  la lisière  entre la postmodernité et une  tradition millénaire ;  plus  d’ailleurs qu’inscrits  dans  la modernité qui leur était contemporaine ailleurs, comme en Europe.

 L’Algérie, laboratoire de la France ?  Des Ottomans aussi, et surtout.  Déportés de toutes parts à travers leur propre territoire depuis « belles » lurettes,  sans cesse déculturés, traumatisés de leur chair jusque dans  leurs environnements,  parfois même enfumés massivement  dans des grottes comme me le confirma mon voisin de bus.   Beaucoup de ces femmes et ces hommes ont dû adapter  leur culture locale à de nouveaux espaces naturels où on les avait le plus souvent parqués de force. Ainsi, leur esprit même a été « colonisé », j’entends par là qu’ils ont adoptés  des modes de vie et de penser de   colons sur leur propre terre.  Il faut  bien plus de trois générations pour faire d’un colon un indigène, cela est autant valable à l’échelle locale que globale…

Un colon, c’est quelqu’un qui  part à la conquête d’un environnement qui ne lui est pas naturel, et comme tout conquérant, il se doit de l’étudier  avec soin ;  en ce sens, seulement,  c’est un « écologue »  par nécessité. Il doit apprendre, vite et bien,  à  tenter de cerner et  de maîtriser  « son »  nouvel environnement. Mais ce n’est pas pour autant un écologiste convaincu, il ne sympathise avec la Nature que lorsqu’elle peut lui apporter puissance et profits. 

L’Homme postmoderne que j’évoque avec ce terme emprunté,  est un néo colon, il  doit se créer une nouvelle culture qui le liera définitivement à cette terre dont il s’est fait le nouveau maître.  Ce n’est pas pour rien que Franklin Roosevelt  considérait Hollywood  comme une arme de domination massive  plus redoutable et durable que la bombe atomique, même. C’est à ce titre que se sont crées  des formes tout à fait inédites de cultures fragmentées qui,  comme pourrait l’écrire  si bien le politologue algérien  Mohamed Achemaoui, ressemblent beaucoup à  une tradition  fabriquée de toute pièce.

Voilà en quoi ils  étaient   déjà en voie de postmodernité, nos grands et arrière grands- parents, ils ont été déconnectés de leur nature originelle avec une  extrême violence, aussi dure et cruelle que celle  subie par les chinois sous l’ère de  Mao…

Leurs bourreaux se sont appliqué à réinventer leur histoire, jusqu’à même leur patronymes, parfois même leur inventer des saints patrons.  Malgré cela, une certaine culture a persisté en eux, ils en seront d’ailleurs les derniers gardiens si nous ne prenons pas la relève. Non qu’il faille idéaliser cette tradition, en  ce qui  concerne la condition de la Femme, il y aurait beaucoup à redire de nos jours. Cette tradition écologique naturelle algérienne  doit beaucoup au talent et à l’imagination des algériennes d’antan et parfois elle furent reines ou heroïnes de la lutte anti coloniale . Il est important de  nous retrouver pour fonder les bases de notre « écologie » algérienne d’après l’Histoire (au sens début d’une nouvelle ère mondiale).  

Les erreurs  au même titre que les succès du passé forgent les réussites de demain. C’est une Lapalissade qu’il n’est cependant pas inutile de rappeler :  la « troisième guerre d’Algérie », comme l’a mainte  foi  appelée l’historien algérien  Lounes Aggoune, la décennie noire, aura fini de donner à ce pays la mémoire courte, ou plus précisément,   ancrera dans la mémoire collective que seul le court terme paie de nos jours. 

 

Or, en écologie, il n’y a pas de  court terme qui tienne longtemps la route.  Dans un laboratoire, seuls la vie des cobayes  est à l’échelle des  printemps.  Un vieux proverbe oriental dit que celui qui plante un arbre sème un pays, celui qui plante une forêt donnera naissance à une civilisation.

 

Lire la première partie: "Tout ce qui nous entoure et nous influence..."

Lire la troisième partie: "Le syndrome de Guerbes"

 


 

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