4 Août 2011
Je me permets de poser cette question après avoir parcouru des centaines de kilomètres à travers mon pays d'origine et cela pendant près de sept mois.
Comme principale finalité de ce périple, il y a la volonté d'élargir ma vision des problèmes environnementaux en Algérie, conscient que mes recherches sur le net ne pourraient jamais rivaliser avec une étude sur le terrain. Ainsi, je me suis rendu dans plus d'une dizaine de wilayas (essentiellement dans la région du Tell) afin de rencontrer de nombreuses personnes, bénévoles ou professionnels qui m'ont exposé non seulement les problématiques de leur régions, mais aussi fait part de leurs propositions pour une meilleure gestion de nos ressources naturelles ainsi que pour préserver de manière effective notre biodiversité si riche et non moins variée. J'aimerais d'ailleurs en profiter pour rendre hommage à leur accueil et leur disponibilité qui n'a jamais démentie la réputation de l'hospitalité algérienne.
De ce fait j'ai pu partager le quotidien de mes compatriotes et ce qu'ils soient de pauvres paysans, de riches commerçants, d'humbles ouvriers, des entrepreneurs, des cadres supérieurs, des fonctionnaires etc. J'ai été ainsi à même d'observer leur cadre de vie, leur façon de se nourrir, de consommer ainsi que les nombreux produits consommables qu'on leur propose, mais aussi, et surtout, j'ai pu me rendre compte par moi même de l'efficience des infrastructures collectives mises à leur disposition à assurer leur sécurité sanitaire. J'ai pu faire ma propre expérience de ce mode de vie en devenant un algérien à part entière pendant 7mois, ce qui est certes peu mais à mon avis suffisant pour se faire un avis (sachant que je n'en suis vraiment pas à mon premier séjour en Algérie). J'en suis malheureusement arrivé à un bien triste constat, me demandant parfois, et j'assume ici la teneur de mes propos, si, dans la conscience collective des algériens, une part d'humanité n'avait pas été érodée par les vagues de tragédies et spoliations en tous genre qui ont au fil des siècles touché ce peuple pourtant si noble et généreux à l'origine.
Il y a tout d'abord, ces complexes industriels, à l'instar de la plate forme pétrochimique de Skikda, ou celui d'El Hajjar (wilaya de Annaba) qui ont été construits à la proche périphérie de zones habités et ce dans la plus grande indifférence vis à vis des impacts néfastes sur la santé publique. Il y a ces eaux au goût de terre qui sortent des robinets qui sont de plus en plus asséchés. Que dire de l'état désastreux de nombreuses routes qui sont la cause d'une foule d'accidents? Que penser de nombreux hôpitaux et autres lieu d'accueil sanitaires où il règne souvent un laissé aller affligeant. Comment ne pas être indigné par le manque de poubelles, de décharges dignes de ce nom dans la plupart des zones urbaines? J'ai pu par moi-même constater l'ampleur du désastre en me rendant à la centrale d'enfouissement de Ben Badis (wilaya de Constantine) qui est plus un danger pour la santé d'au moins deux wilayas tant elle est loin d'être opérationnelle. Que dire des eaux usées qu'on décharge dans la mer à quelques centaines de mètres des plages où se baigne la population? La liste de ces outrages et négligences criminelles est trop longue pour qu'elle soit ici exhaustive. Cancers, asthmes, pneumonies, troubles digestifs, allergies en tous genres ne cessent de progresser sans que personne ne semble vraiment vouloir réagir afin de limiter la propagation de ses fléaux.
Ensuite, il faut se pencher sur le cas de ses produits consommables qui sont proposés au algériens. Une huile, des margarines, des fromages, des "cachers", des pâtes, des limonades, des friandises (même pour les soit disant meilleures marques) souvent d'une composition plus que douteuse au point que la plupart des algériens souffrent de troubles de l'estomac et du colon. A vrai dire, il suffit de comparer le même produit sous licence avec celui vendu en Europe pour constater la différence. Le plus inquiétant est que ces mêmes consommables ne sont déjà pas exempts de reproches quand ils sont produit outre méditerranée....Que dire des encens, des pesticides domestiques, des briquets viciés, des téléphones portables asiatiques aux normes plus que douteuses?
Il serait judicieux de se pencher sur le fait que les habitants de ce pays sont devenus de grands consommateurs de médicaments, que ces derniers sont souvent de moins bonne facture qu'en Europe , et qu'ils sont préscrits de manière abusive. Certes, cela fait le bonheur de tous ceux qui ont fait du secteur pharmaceutique un bizness très juteux, mais du point de vue du consommateur, il est juste de se demander si cela est vraiment bon pour la santé publique.
Nos agriculteurs, par manque de moyens, de formation mais aussi parfois, avouons le, par manque de conscience professionnelle, sont devenus de véritables apprentis sorciers. Beaucoup de ceux que j'ai rencontré ne jurent que par la biochimie et semblent incapables de concevoir une bonne récolte sans l'apport massif de pesticides et d'engrais dont la provenance est selon certaines rumeurs, plus que douteuse. Je n'ose même pas penser l'impact sur la santé des consommateurs le fait que certains agriculteurs, par manque d'eau salubre, n'hésitent pas à utiliser les eaux usées pour arroser leurs champs.... Que dire de ceux qui coupent leur lait caillé avec de la farine, de ceux qui vendent leur huile d'olive mélangée avec de l'huile de friture, de ceux qui mélangent leur miel avec du sucre de moindre qualité ?
Et puis, il y a la population qui s'alimente de façon peu équilibrée au point que l’obésité, le diabète sont de plus en plus monnaie courante chez les nouvelles générations. L'algérien lambda jette n'importe où ses déchets, n'hésite pas à brûler ces derniers, même les plus toxiques et cela aux portes de son logis et au nez de ses voisins. Il y a ces tonnes de tabac à chiquer qui sont consommées chaque jour, ces cigarettes de secondes mains qui sont proposé aux fumeurs. Il y a cette surconsommation de médicaments qui devient une habitude collective. Beaucoup d'algériens sont des chauffards qui risquent au volant non seulement leur vie mais aussi celle des autres. Je pourrais consacrer un ouvrage entier à tout ce qui atteint chaque jours la santé des habitants d'un pays dont les ancêtres pratiquaient une médecine naturelle très efficace par ce qu'elle était avant tout préventive, dont le régime alimentaire était certes chiche, mais sain et bio, mais avant tout plaçaient l'honneur, le respect d'autrui avant l'appât du gain absolu. Car c'est bien de cela qu'il s'agit en Algérie: la soif de richesse a pris le pas, et ce à tous les échelons de notre société, sur l'altruisme qui est pourtant une des valeurs fondamentale de l'Islam si cher à cette jeune nation.
Qui se soucie de la santé des algériens? Sûrement pas les étrangers qui font leur fortune en vendant leur produits ainsi que leur service à une société qui consomme avant tout et semble incapable de produire correctement. Encore moins un état trop occupé à veiller à la pérennité de ses rentes pétrolières? Apparemment pas une population obsédée par la réussite sociale. Les contrôles afin de remédier à cela ne sont pas assez efficients et je ne ferais que suggérer la corruption qui fausse ces derniers...
Quel triste état de fait! Espérons que les choses évoluent dans le bon sens et que cette inconscience ne soit au fond que la conséquence d'un manque expérience de la part d'une bien jeune nation.
Article rédigé le 4 août 2011 à Oued Znati par Karim Tedjani pour nouara-algerie.com