ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )
25 Février 2013
"Ce que la Nature a mis des millénaires à créer dans ce havre naturel de renommée internationale est à incomber à des facteurs écologiques exceptionnels. Ce que la Sonatrach doit construire pour continuer à développer son activité, sur laquelle repose, certes, la majeure partie de notre économie, peut être envisagée ailleurs ...C’est une affaire de volonté politique diront certains, de vision vous rétorquerons plutôt ceux qui pensent comme moi qu’il est possible de protéger l’environnement tout en créant du bien-être social ainsi que des emplois."
Cette abeille qui coule pour l'instant des jours heureux à Guerbes, sait-elle le danger qui la menace? (Photo:Tedjani K.)
Souhaiter le développement économique du pays ou militer pour la seule préservation de sa nature... ? Est-ce bien là un vrai dilemme pour les "écologistes" algériens... ?
Peut-on avoir le droit de s’opposer au développement de son pays ? De plus est dans une jeune nation comme l’Algérie qui a encore bien des domaines à développer pour être à la hauteur de ses ambitions et surtout de la richesse qu’elle est vraiment capable de générer durablement ?
Est-il légitime de s’opposer à un projet rentable et créateur d’activités et donc d’emplois dans une région socialement sinistrée où les chômeurs poussent encore plus vite et sûrement que les pastèques et les tomates ? Juste pour protéger quelques espèces animales et végétales ou bien encore pour préserver quelques beaux paysages ? Etre à la fois un amoureux inconditionnel de la Nature Algérienne, mais aussi un fervent militant pour le développement économique et social de son pays, est-ce vraiment conciliable ?
La rumeure qu'en Algérie, les écologistes ne sont que des troubles fêtes en mal de ressembler aux "bobos" occidentaux , des utopistes éloignés des réalités socio-économiques du pays, aveuglés par un amour irrationnel de la Nature ne doit surtout pas faire école dans ce pays.
Quand j’ai appris la triste annonce, faite récemment dans la presse, par Mr le P-DG de la Sonatrach, relative à la très envisageable possibilité d’ériger un complexe pétrochimique dans la zone naturelle de Guerbes Sanhadja, je n’ai pas seulement envisagée avec une immense tristesse la dégradation à venir d’un des plus importants sites naturels de la zone afro-méditerranéenne, je n’ai pas pu également m’empêcher d’avoir envie de répondre à travers cet exemple à de telles questions.
Guerbes un site naturel d'exception
Tout d’abord, il me parait important de rappeler que la région de Guerbes Sanhadja est classée non seulement par la convention internationale de Ramsar dédiée à la protection des zones humides, par la World Wide Fondation et a été décrétée par le gouvernement algérien comme pôle touristique et zone naturelle. En Algérie, seul le lac Tonga, dans la wilaya d’El Tarf, peut prétendre à un tel statut.
Tout ce qui est rare, a une valeur marchande, c’est un des principes fondamentaux du commerce. Du point de vue de sa biodiversité, de ses microclimats, de sa géomorphologie et de son rôle primordial pour le traitement naturel de l’eau, Guerbes est une mine d’or à la fois écologique et économique qui pourrait même participer au bien-être social de nombreux citoyens algériens du Constantinois ainsi que d’autres venus des quatre coins de l’Algérie et même du monde !
En ce qui concerne cette région, ce n’est pas son développement économique que je remets en cause, je pense, comme de nombreuses personnes qui connaissent bien le sujet, qu'il devrait être à des années lumières de la construction d’un complexe pétrochimique…
Ce que la Nature a mis des millénaires à crée dans ce havre où de nombreux oiseaux migrateurs viennent se reposer, ne s’est produit qu'à causes de facteurs exceptionnels. Ce que la Sonatrach doit construire pour continuer à développer son activité, sur laquelle repose, certes, la majeure partie de notre économie, peut se faire ailleurs.
Une Algérie qui consomme trop et ne produit pas assez, qui se suffit de sa rente pétrolière et gazière, ne pourra que saccager, un après un, tous ces sites naturels au nom du développement et de la croissance. Une autre, plus raisonnable et raisonnée, pourrait s’engager sincèrement à diversifier son économie, et faire de l’économie verte une des options possible pour avancer vraiment vers la modernité dans ce siècle qui n’est plus celle d'un monde où l'industrie n'est que « capitalisante ».
Pour un développement « vert » de Guerbes Sanhadja
Saviez-vous que l’huile de figue de barbarie est une des plus chères au monde ? Que l’on peut exploiter son cactus pour faire des condiments, ses graines pour faire également un complément alimentaire pour le bétail ? Celles de Guerbes sont réputées dans tous le nord-est…
De nombreuses plantes médicinales à l’état sauvage ainsi que de nombreuses sources d’eau à proximité sont les conditions idéales pour produire parmi les meilleures huiles essentielles du monde, dont le prix est très attractif sur le marché international…Les plantes médicinales peuvent également fournir de nombreuses molécules pour la pharmacie et des remèdes « bios ». Guerbes en regorge…
La région a besoin, pour rétablir un certain équilibre naturel, de remplacer son agriculture saisonnière par une arboriculture moderne et bio ; la figue est un des arbres les plus adapté pour la région. Il serait possible de développer des coopératives agricoles et même des usines de productions de produits bios comme la confiture, les miels, les fruits séchés, les compotes, les infusions et même des produits cosmétiques. Produire des produits de qualité avec des particularités dues à un cadre naturel hors du commun ne peut être qu’une plus value pour l’économie d’une région. Dans un pays où la santé publique est considérée comme gravement menacée par la trop grande présence de chimie dans les aliments importés, le marché du « naturel » risque d’exploser dans bien des branches.
Le liège est une matière très prisée pour ses bonnes performances en isolation thermique et acoustique. Guerbes abrite la plus importante pépinière hors-sol du pays et parmi les plus performantes d’Afrique. Chaque année, environ 2 000 000 de plants sont produits grâce notamment à un substrat de conception algérienne à base de résidus d’olives. La forêt de Guerbes est pourtant menacée par de nombreuses dégradations de nature essentiellement anthropiques. Développer une exploitation forestière intégrée ainsi qu’une micro industrie de traitement du bois serait une bonne chose également pour l’économie locale et nationale de même que l’entretien des forêts pourrait être ainsi rentabilisé.
Je pourrais également vous parler d’élevage de chèvres, de vaches et de poules « bios » fournissant des œufs, des laits et surtout des viandes saines, de poissons d’eau douce, des truffes, des fruits sauvages…Grâce à une eau de bonne qualité, des plantes et des fleurs endémiques , des terres variées , bref d’un biotope d’exception, les produits de Guerbes pourraient avoir un incomparable cachet.
Les bonnes performances éoliennes et photo voltaïques de la région, où le réseau électrique n’est pas encore parvenu partout, pourraient également offrir de formidables opportunités pour installer des centrales d’énergies renouvelables de taille moyenne et de rayonnement local. Ce serait une région à « piloter » pour faire l’expérience de plages et d’habitations alimentées aux énergies renouvelables. Une possibilité de créer des pôles de formations aux métiers de l'énergie renouvelable , dans un tel contexte pourrait faire avancer bien des choses dans ce domaine en Algérie.
Je pourrais aussi vanter les paysages si variés de Guerbes, ces plages encore vierges, les fabuleuses randonnées pédestres, équestres ou à vélo qu’elle offre à ses visiteurs. Dans un périmètre d’à peine trente kilomètre, on peut faire de la pêche sous marine dans le golfe de Skikda, à la ligne sur le fleuve El Kebir, de la chasse au sanglier dans la forêt de Guerbes ou sur les flancs des monts Edough Filfila. Il est possible d’observer des centaines d’espèces rares d’oiseaux, d’insectes, de la flore également dans les sous zones humides de son complexe qui détient cinq des huit critères de la convention Ramsar.
La réputation éco touristique de Guerbes, si elle est connue surtout par un happy few de naturalistes est internationale. Dans la communauté des anciens français d’Algérie, on parle encore de cette région comme du « mythique Guerbes ». Guerbes devrait être le parc national du Constantinois où de nombreux projets écologiques, économiques et sociaux pourraient y voir le jour…Une vitrine pour l’écotourisme dans la zone nord-est du pays. Un fertilisant pour de nombreuses idées de commerces comme les équipements de loisirs et de tourisme, l’éco construction, la médecine traditionnelle et les séjours thérapeutiques.
Des milliers de citadins pourraient aussi profiter de ce rayonnement, et pour découvrir la Nature dans des conditions idéales, et pour créer une activité économique autour de la réputation d'une telle région mise en valeur.
La liste de toutes les opportunités commerciales que la biodiversité de Guerbes est à même de générer est trop longue pour qu’elle soit exhaustive dans ce billet…
Celles que j’ai évoquées ne sont pas forcement les plus pertinentes pour certains, je m’en excuse à l’avance. J’aimerais seulement vous convaincre, ou, mieux, vous convaincre à nouveau que la préservation de l’environnement, quand sa valorisation offre des perspectives de développements sociaux et économiques, peut ne pas être un frein au développement, mais plutôt un moteur plus sain, plus durable et renouvelable.
Car la gestion de toutes ces ressources vraiment naturelles ne pourra se faire sans une mise en valeur de la nature des habitants de la région. Un tel développement ne se fera qu'avec le soutien des locaux et devrait avoir pour priorité de les intégrer dans cette démarche écologique, sociale et économique. Force est à parier qu'ils auront moins d'éfforts à fournir pour s'adapter à un développement et des métiers liés à leur environnement que pour s'insérer sur le marché de l'emploi dans l'industrie pétrochimique.
Etre "écologiste" en Algérie c'est faire aussi des propositions de développements économiques
Je pense que la construction d’un complexe pétrochimique ne sera pas la meilleure façon de développer la région parce que ce site industriel détruira toutes les particularités naturelles d’une région, d’un pays, même, au regard de sa renommée internationale. Guerbes peut offrir à la société algérienne la formidable occasion de tenter d’autres expériences de développements économiques.
Surtout après la récente marée noire qui a pollué les plages de Skikda; d'autant que depuis 2008, c'est le septième cas enregistré...Que dire de la prolifération des maladies pulmonaires, des impacts sur la qualité de l'air et l'intégrité de la biodiversité qui est, rappellons le, une des garante de l'intégrité de notre climat national si particulier mais aussi fragile.
C'est pour cela que je pense que, outre s'opposer à ce projet, il est important de se mobiliser pour proposer un plan de développement durable réalisable en cinq ans pour cette région avec le soucis de créer des emplois et du bien-être social grâce à la biodiversité de la région.
Va-t-on indéfiniment polluer tout en Algérie pour ne produire qu'une seule chose ? Cette extension prévue du site de Skikda, à la périphérie d'un des plus précieux site naturel de la côte est algérienne , n’est-elle pas la confirmation que notre économie est encore timide à changer de cap. N'est-il pas possible d'envisager pour notre pays un développement économique autre que celui inféodé à l'industrie pétrochimique? Voilà au fond peut-être la question qu'il faudrait en premier lieu se poser...
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