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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Alger au quotidien, novembre 1998

 

Alger au quotidien, novembre 1998

K.DAOUD, 04.12.98

Dans l'avion Paris-Alger, une française de la cinquantaine voyage seule. Comme une touriste. Lorsque l'avion entame l'atterrissage, elle me demande : « pouvez-vous me dire combien coûte le taxi de l'aéroport à Alger ? » Je suis incapable de lui répondre, je n'étais pas venu à Alger depuis 18 mois et je savais que les prix ne cessaient de valser. Assez intrigué je poursuis la conversation : elle devait se rendre à la gare routière de l'entrée d'Alger pour prendre, seule, un taxi, à 16 heures, pour aller à BISKRA (400km d'Alger en passant par la Kabylie, les gorges de LAKHDARIA, BOUIRA et BOU SAADA, soit environ 6heures de route). Je ne savais pas quoi penser : inconscience ? confiance dans la sécurité du pays ? Manifestement nulle angoisse ne l'habitait. Paradoxes de l'Algérie ! Effectivement dès l'atterrissage on se rend compte qu'on est loin de l'époque où tout était quadrillé par la police, les ninjas, la gendarmerie, l 'armée, les gardes communales, les patriotes etc. Tout au long de mon séjour l'impression du retour de la sécurité persistera. Manifestement quelque chose a changé dans le comportement des « forces de sécurité » : les barrages sont rares et laxistes, peu d'uniformes sont visibles dans les rues, les gens sortent le soir et personnellement au cours de mon séjour de 2 semaines je n'ai jamais été contrôlé et j'ai même pris le risque de circuler en voiture sans permis de conduire (je l'avais oublié à Paris) . La paix serait-elle de retour ? L'état d'urgence serait-il en voie d'être levé ? Ces questions me poursuivront pendant tout mon séjour mais les réponses seront loin d'être simples.

23 heures, service d'urgence d'un hôpital de la périphérie d'ALGER: des agents de la PCO ( police contre le crime organisé, unité d'élite) amènent un des leurs qui vient de se blesser accidentellement avec son arme. Il est immédiatement opéré sous transfusion massive. Le chirurgien demande de nouveau du sang que ses collègues courent chercher ; entre temps le blessé décède sur la table d'opération. Le chirurgien, terrorisé, n'ose pas annoncer l'issue fatale de peur d'être accusé, culpabilisé par la PCO. L'infirmier continuera de transfuser le cadavre jusqu'à ce que l'entourage constate lui même l'issue fatale. Habituellement les chirurgiens opèrent dans ces cas sous le regard direct des agents de la sécurité.

Les massacres de population continuent : il ne se passe pas de jour sans que la presse n'en fasse état ; comme tout le monde sait que la presse ne dit pas tout ; pourtant on en parle peu, on fait avec, comme si les massacres massifs de l'hiver dernier avaient immunisé la population contre l'émotion. La banalisation de la mort a atteint un tel degré que la population oppose l'insensibilité de l'anesthésie à ces drames.

L'impression qui ne cessera de me poursuivre au cours de mon séjour est celle de la catastrophe écologique ; Alger et sa région sont inondées de détritus, tout est chantier abandonné (les économies sont placées dans le béton puis on attend...)ou bâtisses en voie de décrépitude ; les rues sont défoncées (sauf celles qu'empruntent les cortèges officiels, évidemment). Les nouvelles constructions n'obéissent manifestement à aucun schéma directeur d'urbanisme. Un commerce de bazar envahit un espace public sale ou plutôt abandonné de tous.

Le problème de l'eau s'est aggravé et les communes qui étaient épargnées sont maintenant en situation de pénurie : l'eau n'est disponible que 2 à 3 heures par jour. Mais cela n'empêche pas coca cola et pepsi cola de monopoliser le marché des boissons, sans souffrir de pénuries. On parle de la sécheresse mais à aucun moment je n'ai entendu parler de politique de l'eau, ou encore moins de campagne d'épargne de l'eau, comme on en avait connu à Alger pendant les année 70. Et on organise une grande prière nationale pour appeler la pluie ! Indiscutablement les problèmes d'environnement se sont aggravé dans l'indifférence générale.

Le dernier événement semble mobiliser : l'installation d'une nouvelle décharge publique, à l'air libre, à l'ouest de la capitale (OULED FAYET) à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau de la mer. Comme elle pollue toute une région occupée par des constructions appartenant aux nantis (Douera, Baba Hassen, Draria..), comme elle s'installe sur les zones les plus riches de la MITIDJA, des associations se mobilisent. Mais aucune politique de traitement des déchets, aucune politique de protection de l'environnement, et là aussi les services publics sont absents. Il est d'ailleurs curieux de constituer que l'Etat a été incapable de mobiliser quelques bateaux de pétrole pour construire au moins une usine d'incinération dans cette mégapole tentaculaire qu'est l'agglomération d'Alger qui maintenant s'étend de TIZI OUZOU à BLIDA.

Comme il est curieux de constater qu'un leader écologiste aussi attentif que COHN BENDIT, venu à Alger avec une mission parlementaire de l'Union Européenne n'a rien vu de cette catastrophe que vit Alger (si ce n'est tout le pays). Mais peut être n'est-ce là qu'un détail compte tenu des morts qui endeuillent le pays depuis plusieurs années et qui empêchent de voir l'avenir.

Les algérois vivent dans une certaine insouciance ; ils ne parlent que des actes de violence qui surviennent à proximité et s'efforcent de les oublier rapidement (la vie reprend le dessus) ; les discussions politiques indiscutablement sont beaucoup plus rares que par le passé ; non par peur ou par autocensure ; je n'ai pas eu connaissance de répression pour des mots de trop comme on l'avait vu du temps de CHADLI ou de BOUMEDIENE. La violence du verbe dans les journaux comme dans les débats au Parlement (certains sont télévisés en direct) est impressionnante. Mais la population se désintéresse de politique comme si elle pensait que la réponse aux difficultés qu'elle subit ne se situe pas à ce niveau ; elle se résigne à la gestion du pays par l'armée et il n'y a rien à espérer. Toute activité politique véritable est vaine. Le désintérêt, comme s'il n'existait pas de solution commune aux problèmes que tout le monde vit. Chacun est à la recherche d'une solution individuelle ou à la rigueur familiale: l'idéal serait de quitter le pays, ou, à défaut construire son microclimat avec un toit, un boulot lucratif, quelques amis et la parabole. On n'attend rien de l'Etat sinon le danger d'un arbitraire qui peut vous mener en prison ou vous coûter la vie pour une raison plus ou moins fallacieuse.

Indiscutablement l'Etat a abandonné ses prérogatives dans la protection sociale de la population. Les hôpitaux sont dans un état lamentable, les médicaments hors de prix, l'activité médicale libérale s'exerce sans retenue, et la malade est livré sans réglementation ni éthique à des médecins qui eux mêmes se démènent dans des problèmes de survie permanents.

 

Le fait nouveau est l'apparition de suicides dans les lieux de travail, les retards de paiement des salariés qui obligent à des manifestations de rue, des grèves chroniques qui apparemment ne dérangent personne. Il est vrai que la hausse du coût de la vie est vertigineuse et d'une manière générale on n'a pas l'impression que l'Algérie est au travail. Pourtant on ne peut pas ne pas voir dans les rues d'Alger les « signes extérieurs de richesse ». La mode est à la Mercedes « 4 phares » et la Golf « nouvelle coque » alors que Daewo devient la principale marque des voitures qui circulent à Alger. On n'a pas besoin d'aller au Club des Pins (qui est d'ailleurs interdit au public) pour être outré par l'apartheid social.

Il est difficile d'apprécier l'étendue du désordre social sur l'ensemble du territoire tant les médias sont délabrés : ni la presse écrite, ni la radio, ni la télévision ne rendent compte avec justesse des problèmes que vit la population. Manifestement les médias construisent un espace virtuel, une image, variable selon les recommandations du gouvernement et qui ne correspond pas à la réalité du pays. Les gens ne circulent pas en dehors des obligations professionnelles ou familiales, ils communiquent entre eux avec méfiance, les activités culturelles sont rares.

La suppression des visas et la rareté des voyages hors du pays de même que l'absence des étrangers (en dehors des réserves pétrolières) n'est pas sans conséquences : repli sur soi, enfermement, sentiment de mal-aimés et d'exclusion de la communauté internationale, tous éléments qui ont favorisé une montée du nationalisme et de la xénophobie dans l'esprit de la population qui s'est manifestée d'ailleurs dans le soutien plutôt discret de la revendication d'une commission d'enquête internationale.

Malgré la censure sur l'information sécuritaire, à travers les informations éparses que l'on peut recueillir ici ou là, on peut affirmer que la violence n'a pas diminué: elle semble contenue dans certaines régions, frappe les classes sociales misérables mais on ne sait pas ce qui se passe en réalité. Malgré la trêve de l'AIS..... qui donne un coup de main à l'armée lors des opérations contre le GIA. Et les dépassements des forces de sécurité n'ont aucune raison de cesser.

En conclusion la situation de l'Algérie est réellement complexe et sa perception varie selon plusieurs paramètres : il y a l'Algérie que vit au quotidien la population, l'Algérie en deuil, l'Algérie des gens du pouvoir et de sa périphérie et l'image que tente de dessiner le gouvernement pour sa propagande, ou celle qui est perçue par les ONG, ou celle que vit la diaspora dans l'angoisse de la sécurité de sa famille au pays. Mais ce qui est certain c'est que la situation est grave, la rupture du consensus social semble consommée, et on ne voit pas dans l'immédiat un espoir d'amélioration.

 

 

 

 

Dans ces conditions la démission de ZEROUAL ne constitue pas en elle même un changement fondamental de la situation politique du pays : le commandement militaire continue d'être le détenteur du pouvoir avec des relais divers au sein de l'Etat, de la société civile et des partis politiques. Il s'agit toutefois d'une décision surprise qui va bouleverser la stratégie des partis; elle peut constituer une faille dans le système du pouvoir susceptible de modifier les rapports de force et permettant d'envisager des actions politiques en vue de renforcer le courant démocratique

Les caractéristiques principales de cette nouvelle donne sont :

  1.  

  2. affaiblissement du pouvoir : lutte des clans et apparition probable de nouveaux opposants au sein du commandement militaire (avec leurs relais), violence chronique, catastrophe sociale et écologique, mécontentement de la population, crise économique et effondrement,

     

     

  3. déballage public des affaires de corruption

     

     

  4. difficulté pour le commandement militaire de répéter les scénarios précédents de désignation du futur président et de trouver l'homme qu'il faut ; il semble que pour le moment la solution est recherchée dans le passé, dans la glorification de l'ère BOUMEDIENE

     

     

  5. 3 candidats du FLN sont médiatisés ; il est possible que le pouvoir choisira au moment des élections, ce qui lui laisse du temps

     

     

  6. la rumeur circule que les chefs de l'armée sont las de gérer la situation et souhaitent passer la main ; manipulation ?

     

     

  7. le passage d'un pouvoir militaire à un pouvoir civil n'est pas à l'ordre du jour; pourtant là est le véritable problème

     

     

  8. Il y a des signes avant coureurs d'ouverture politique : tolérance en face de l'agressivité de la presse et des députés, rareté des forces de police dans les rues, fréquence des manifestations populaires, d'une manière générale allégement de la pression sur la population. Cela ne signifie pas, loin de là, que le commandement militaire a l'intention de rendre la primauté du civil sur le militaire ...comme l'avait préconisé le CONGRES de la SOUMMAM en 1956
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