1La zone steppique occupe en Algérie une position centrale dans le sens Nord-Sud. Elle joue à la fois un rôle économique par la pratique de l’élevage ovin et
la production d’alfa et un rôle de zone tampon entre le Tell agricole au Nord, et le désert du Sahara au Sud.
2Les parcours steppiques couvrent 20 millions d’hectares, soit 8,4% de la superficie du pays et cette partie du territoire abrite 25% de la population
algérienne. Au Nord, se trouve la zone Tellienne où sont concentrés 66% de la population sur à peine 4% du territoire. Au Sud, 9% de la population sont éparpillés sur une vaste zone
saharienne qui couvre 87 % du territoire (Ministère de l’Equipement et de l’Aménagement du Territoire, 1992). Cette répartition inégale de la population entraîne de sérieux problèmes
d’aménagement du territoire. Aussi, une répartition plus équilibrée est-elle nécessaire. Elle dicte la prise de dispositions pour l’encouragement d’un flux migratoire vers les espaces
steppiques où les spécialistes de l’aménagement du territoire avaient même, un moment, envisagé la création d’une nouvelle capitale (Bouguezoul près de Djelfa). Or, le phénomène de
désertisation entraîne l’exode en sens inverse aggravant l’accroissement anarchique des établissements humains et accentuant les risques de dégradation de l’environnement.
3La végétation joue un rôle fondamental dans la structure et le fonctionnement de l’écosystème dont elle constitue une expression du potentiel biologique.
Cependant, le couvert végétal naturel y est soumis à un double stress édaphoclimatique d’une part et anthropogène d’autre part. Décideurs et chercheurs n’ont cessé d’insister sur la gravité
et l’aggravation constante des phénomènes de dégradation des parcours steppiques et sur l’urgence à adopter les solutions adéquates afin d’y remédier. Malgré les efforts déployés en matière
d’investigations écologiques et socioéconomiques, les résultats obtenus issus de quelques tentatives de développement sont très loin des espoirs escomptés. Nous avons relevé, à titre
indicatif, deux grandes erreurs qui ont eu des conséquences désastreuses :
-
Des investissements étatiques qui ont abouti à neutraliser un mécanisme naturel de régulation qui maintenait l’équilibre cheptel/pâturage. Ils ont contribué à faire de la steppe un pays
à la fois naisseur et engraisseur alors, que c’était traditionnellement un pays naisseur. De ce fait, la pression anthropozoïque dévastatrice a été accentuée.
-
Un flou juridique et un déficit de gouvernance qui ont provoqué l’extension de labours d’appropriation « juridiquement illicites, économiquement non rentables, et écologiquement
néfastes ».
4Ce constat d’échec implique que les stratégies successives adoptées pour le développement de la zone steppique manquaient de pertinence et que les méthodes
utilisées pour l’identification et la formulation des projets ainsi que pour leur mise en œuvre et leur suivi étaient insuffisamment efficaces. Nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que
cet écosystème fragile subit un processus de désertification ; une régression qu’il est judicieux de mesurer, de quantifier à travers un diagnostic phytoécologique sur la base
d’indicateurs appropriés.
5Les approches technicistes, sectorielles, fragmentaires et la planification technico-administrative « top-down » ont montré leurs limites dans le
développement des parcours steppiques. Aussi, y a-t-il lieu de s’interroger sur l’intérêt d’une autre approche, de type participatif, visant une planification adaptée.
6L’approche méthodologique adoptée s’articule autour de deux axes importants :
-
L’identification des principales causes de dégradation du milieu steppique de la Wilaya de Nâama (sud - ouest algérien), à travers un diagnostic écologique.
-
La mise au point d’une stratégie fondée sur une démarche participative de planification par objectifs à partir de la construction de « l’arbre des problèmes » qui
permet d’identifier les principales causes de dégradation en établissant entre elles des relations de cause à effet. Cette étape permettra l’élaboration de « l’arbre des objectifs
», aidant à mettre au point les types d’activités à mener et les projets à formuler pour concilier un développement économique et social et une gestion viable de l’environnement,
autrement dit atteindre un développement durable.
7Le territoire steppique est situé entre la région substeppique au Nord et la région subsaharienne au Sud et couvre plus de 20 millions d’hectares. La Wilaya
de Nâama, zone d’étude, se situe dans la partie occidentale des hauts plateaux, aux confins algéro-marocains. Elle se décompose en deux grandes zones : une zone steppique au Nord et
une zone présaharienne au Sud (figure 1).
Figure 1. Localisation de la zone d’étude et identification des grandes zones bioclimatiques
8 Vingt stations d’études ont été retenues, elles se répartissent sur cinq communes qui correspondent à la partie steppique de la Wilaya (
figure 2).
Figure 2: Localisation du transect et des stations
9Les paramètres climatiques retenus sont ceux du poste météorologique de Méchéria (Algérie occidentale), situé dans la zone d’étude. Avec 200 mm de
pluviométrie moyenne annuelle, le régime pluviométrique est de type APHE (automne, printemps, hiver, été), favorable à une activité végétative malgré la longueur de la période de sécheresse
qui s’étale d’avril à octobre. Le quotient pluviothermique d’Emberger est de 20, ce qui permet de classer la zone d’étude dans l’étage bioclimatique aride inférieur frais (Alcaraz,
1969). D’après les fluctuations des paramètres climatiques interannuels, le climat varie de l’aride au semi-aride inférieur (Mederbal, 1992 ; Djellouli, 1981).
10Différentes étapes chronologiques ont été suivies dans notre démarche méthodologique :
-
Le choix de la zone d’étude qui correspond au milieu steppique de la Wilaya de Nâama dans un transect Nord – Sud de 120 km du Sud de Bougtob au Nord de Mekalis. Le choix du sens Nord
Sud pour le transect (au lieu de Est-Ouest) est basé sur l’utilisation de l’indice climatique d’Emberger (quotient pluviothermique) qui a permis de mettre en évidence de grandes
variations dans le sens Nord-Sud avec l’établissement de cinq zones bioclimatiques : humide, subhumide, semi aride, aride et hyper aride. La zone d’étude se trouve dans la zone
bioclimatique aride.
-
Elle risque précisément de « glisser » vers l’hyper aride ou saharien. Les zones humides et subhumides occupent un espace très réduit au Nord-Est du pays de sorte que les
géographes identifient, dans le sens Nord-Sud, cinq grandes régions : les régions tellienne, substeppique, steppiques, présaharienne et saharienne (figure1).
-
Le choix de l’emplacement des stations est fondé sur les critères suivants : les stations doivent être accessibles, repérables et reconnaissables sur cartes et photographies
aériennes.
-
La délimitation des placettes pour chaque station qui caractérise un milieu homoécologique (site de prélèvements et de mesures) comprenant cinq placettes de 17,84 m de rayon. Une
placette centrale et quatre placettes situées à 50 m de celle-ci aux quatre points cardinaux (Chessel et al, 1975).
-
L’élaboration d’un formulaire écologique et pastoral (CEPE, 1968).
-
L’élaboration de cinq fiches : fiche d’abondance des espèces, fiche de calcul de la contribution spécifique, fiche des mesures, fiche d’estimation de l’appareil aérien
et racinaire des principales espèces et fiche d’inventaire qui représente le positionnement et la distribution des espèces dans la placette centrale (Gounot, 1969).
11Les résultats du diagnostic écologique peuvent être classés en deux catégories : des résultats statiques et des résultats dynamiques.
12Le calcul du recouvrement des premières espèces dominantes permet de constater que Lygeum spartum L. est l’espèce à plus fort recouvrement suivi
de Thymelea microphylla L. Il s’agit d’espèces qui se développent sur sol sabloneux et sablo-limoneux. Cinq espèces principales ont la plus forte contribution spécifique dans les
20 stations ainsi que l’indique la figure 3, avec les contributions respectives des espèces.
Figure 3 : Contribution spécifique des principales espèces
13
14Les trois dernières espèces, xériques et à moindre valeur fourragère, ont dangereusement progressé. Elles occupent ensemble la plus grande part du
territoire.
15On note une faible contribution de l’alfa, Stipa tenacissima L. avec seulement 12 %, une espèce qui a fortement régressé. Pour donner la mesure de cette
régression, il est bon de rappeler que cette espèce occupait une part du territoire si importante que la steppe était appelée « le pays de l’alfa » pour y souligner l’importance
de l’élevage ovin on disait aussi « le pays du mouton ».
16L’analyse de la phytomasse totale concernera deux espèces, l’alfa et le sparte (Lygeum spartum L.). La plus forte phytomasse concerne le sparte pour les
stations n° 2 (Aïdouane) et n° 12 (Es-senia) commune d’El Biodh. La connaissance des éléments chimiques du végétal permet d’apporter des précisions sur les valeurs énergétiques des
principales espèces caractéristiques de la végétation steppique (Aidoud, 1983). Pour les deux espèces, Lygeum spartum L. et Stipa tenacissima L., la quantité de calcium est toujours
supérieure à celle des autres éléments, contrairement au sodium qui présente des teneurs plus faibles. Les éléments minéraux de l’alfa sont plus élevés que dans le sparte. La minéralomasse
représente la masse d’éléments minéraux retenus dans la biomasse. Elle provient de l’accumulation, par les plantes, des substances minérales puisées dans le sol (Nedjraoui, 1981).
17Des différences dans la minéralomasse sont constatées pour l’espèce Lygeum spartum L. dans toutes les stations et également pour les stations à Stipa
tenacissima L. (tableau 1).
Tableau 1 : Mesures de phytomasse, minéralomasse et indice minéral des 20 stations
18L’indice minéral est calculé à partir du rapport minéralomasse / phytomasse et rend compte de la
teneur moyenne en éléments minéraux. L’alfa présente les indices les plus élevés. L’indice minéral pour le sparte varie de 0,43 à 0,35. Les résultats obtenus et récapitulés dans le tableau
2 confirment la faiblesse de la phytomasse, de la minéralomasse et par voie de conséquence de l’indice minéral.
19Les mesures, les comptages et les pesées sur la végétation ont permis d’obtenir des résultats mettant en évidence la faiblesse de la phytomasse, du
recouvrement et de la contribution spécifique. L’inventaire des espèces végétales et leur comptage ont abouti à la détermination des premières et deuxièmes espèces dominantes ce qui a servi
à l’identification des faciès. Les analyses chimiques effectuées sur les espèces végétales dominantes ont permis la mesure de la minéralomasse. A partir de la phytomasse mesurée sur le
terrain et de la minéralomasse obtenue après analyse de laboratoire, il a été possible de calculer l’indice minéral dont la valeur met en évidence la pauvreté du milieu. Les analyses de sol
ont confirmé ce résultat à travers la faiblesse du taux de matière organique et la pauvreté en N, P et K (azote, phosphore et potassium).
20Sur le terrain, des labours dits d’appropriation sont de plus en plus pratiqués, ce qui réduit les surfaces des parcours steppiques et accroît la
désertification.
21L’effectif du cheptel dans la Wilaya de Nâama est élevé et l’indice de charge pastorale (nombre de tête à l’hectare) reste très élevé dépassant les 0,8
tête/ha. Cet indice exprime le surpâturage exagéré qui constitue un facteur déterminant dans la dégradation des parcours steppiques.
22Les analyses de laboratoire ont fait ressortir trois types de textures : sableuse, sablo-limoneuse et sablo-argileuse. Une nette prédominance de la
texture sableuse apparaît dans 18 stations, soit 90 % des stations dans le premier horizon et 45 % des stations dans le deuxième horizon (figure 4).
Figure 4 : Texture du sol des 2 horizons
23La teneur en matière organique est très faible dans les deux horizons. Dans 17 stations, la richesse en matière organique est plus élevée dans le deuxième
horizon. Les sols sont squelettiques et pauvres en matière organique, la couche généralement exploitable par les racines est peu épaisse et dans bien des cas la roche mère est parfois
affleurante.
24En prenant comme base de comparaison les unités physionomiques des cartes pastorales de l’Algérie éditées par le CRBT (Centre de Recherches sur les
Ressources Biologiques et Terrestres), (Méchéria ,1980 ; El-Kreider 1981 ; CRBT, 1980 ; CRBT, 1981). Vingt ans après, on observe un changement de faciès steppique, indiquant
une dégradation du milieu pour 11 stations sur 20, soit 55% (tableau 2).
Tableau 2 : Comparaison des faciès actuels des 20 stations avec faciès année 1981
25Dans ces 11 stations, 7 révèlent la disparition de l’espèce dominante et son remplacement par une espèce plus xérique et sans valeur fourragère. Les 4
autres connaissent une inversion, la 2ème espèce plus xérique devient dominante et l’espèce dominante devient 2e espèce.
26Au total, les résultats du diagnostic écologique révèlent :
-
L’extension de l’ensablement et le début de formations dunaires dans 85 % des stations.
-
Un changement de faciès dans le sens d une évolution régressive dans 11 stations sur 20, soit 55 %.
-
La faiblesse du recouvrement et de la contribution spécifique.
-
La faiblesse de la phytomasse, de la minéralomasse et par voie de conséquence de l’indice minéral.
27Tout se passe comme si, tout au long du transect de la zone d’étude qui concerne l’écosystème steppique de la Wilaya, le pré-désert de la zone Sud d’Aïn
Sefra avait avancé de 110 Km dans le sens Sud-Nord : une avancée rapide et significative du désert vers le Nord. Cette régression perceptible sur le terrain est scientifiquement
confirmée par les résultats d’analyses chimiques et biométriques à partir de données à l’échelle stationnelle (Bouchetata, 2001).
28Plusieurs stratégies ont été adoptées et d’importants investissements ont été consacrés à la mise en œuvre des projets conçus dans le cadre de plans
successifs « de développement des zones steppiques ». Cependant, les parcours steppiques ont continué à se dégrader, le désert à avancer et les populations à
migrer ou émigrer.
29Ce constat amène à s’interroger sur la pertinence des approches et des choix stratégiques antérieurs.
30L’analyse des approches adoptées dans le passé et la recherche des causes de l’échec des tentatives antérieures ont montré que les approches technicistes
et la planification technico-administrative centralisée (ou top-down) ont pratiquement échoué (Bouchetata, 2002). En effet, les résultats obtenus sont très loin des espoirs escomptés,
malgré des efforts déployés en matière d’investigation écologique et socio-économique. Sur le terrain, la recherche d’un bénéfice maximal pour l’animal, est placée en priorité par rapport
aux impératifs de protection du milieu.
31Dans les années 1960, il existait un mécanisme régulateur naturel. Après plusieurs années de bonne pluviométrie, l’élevage ovin prospérait. Quand venaient
les années de sécheresse, les éleveurs procédaient au délestage en procédant à la vente d’une grande partie de leur cheptel au Nord maintenant, ainsi, l’effectif minimum (constitué
uniquement de brebis avec quelques béliers pour la reproduction) auquel les maigres pâturages et de légers compléments alimentaires permettaient de survivre. En cas de sécheresse sévère, on
assistait à de véritables épizooties. Après le retour des périodes pluvieuses, les parcours soulagés de la pression animale disposaient du potentiel biologique et avaient le temps de se
reconstituer avant la venue d’un nouveau cycle de sécheresse.
32Vers les années 1970 et 1980 se sont constitués de gros élevages bénéficiant d’équipements importants (camions pour le transport, équipements
hydrauliques : moto pompe, citerne), permettant d’atteindre rapidement les parcours arrosés par les pluies et de les surexploiter. Par ailleurs, en période de sécheresse, des appuis
étatiques massifs leur sont accordés sous forme d’aliments du bétail cédés à prix réduits et acheminés dans le cadre d’opérations de sauvegarde du cheptel dans les zones sinistrées par la
sécheresse. Les effectifs ovins sont, ainsi, maintenus artificiellement et prêts à être dirigés massivement vers les parcours dès l’apparition des premières touffes d’herbes. La
régénération/reconstitution des parcours est, par conséquent, rendue difficile par suite de la mise hors service du mécanisme régulateur des années 1960. Paradoxalement, l’Etat mobilisait
des moyens qui avaient pour conséquence de favoriser le phénomène de dégradation et de désertisation de la steppe en y maintenant une pression animale même dans les moments où son
soulagement était vital. Parallèlement, les défrichements inconsidérés allaient désertifier de grandes étendues avec l’extension de labours d’appropriation à partir des années 1990. En
fait, la steppe, propriété collective tribale, est devenue domaine privé de l’Etat qui en a permis la propriété individuelle. Sur le plan légal, seuls les citoyens de la commune ont le
droit de pâturage sur les parcours du territoire communal. Dans les faits, une tradition existe toujours : celle du libre accès au parcours pour les nationaux à la seule condition de
ne pas traverser des terres labourées (Bedrani, 1992). Cette situation ambiguë a été à la base de pratiques de labours autour de superficie des parcours plus ou moins vastes interdisant
ainsi leur accès aux autres éleveurs ; c’est le labour d’appropriation qui s’est généralisé vers les années 1990. Ainsi, faute de textes juridiques clairs, fiables et fonctionnels
fixant les conditions institutionnelles et réglementaires de jouissance et d’utilisation à titre privé ou collectif et, en l’absence de services spécialisés dotés de moyens appropriés et
chargés de veiller au respect de la loi et d’assurer les arbitrages, on a abouti à une situation foncière confuse caractérisée par l’extension de labours juridiquement illicites,
économiquement non rentables et écologiquement néfastes.
33La protection de l’écosystème, facteur déterminant de la durabilité, n’a pas été suffisamment intégrée dans la démarche des utilisateurs directs des
parcours pastoraux steppiques.
34Ce constat d’échec repose sur deux points :
-
Les stratégies successives adoptées pour le développement de la zone steppique manquaient de pertinence.
-
Les méthodes utilisées pour l’identification et la formulation des projets ainsi que pour leur mise en œuvre et leur suivi manquaient d’efficacité.
35Il en résulte la nécessité d’adopter et d’adapter de nouvelles approches. La démarche qui suit propose une méthodologie permettant de lever les contraintes
de la gestion administrée. Elle intègre la planification participative qui implique l’ensemble des parties prenantes du développement durable : éleveurs, décideurs, agents de
développement...
36Cette démarche permet, à travers l’élaboration d’un diagramme, l’identification des principales causes de la dégradation de l’écosystème steppique de la
Wilaya : une étape préalable à la mise au point des types d’actions de protection.
37Les projets initiés par cette méthode offriront l’avantage de répondre aux critères de pertinence, faisabilité et durabilité qui caractérisent leur
qualité.
38Le besoin de planifier et de mettre en œuvre des projets de développement avec la population plutôt que pour la population locale est devenu de plus en
plus manifeste. Cette planification participative s’applique, tout particulièrement, pour l’écosystème steppique de la Wilaya de Nâama où la prise de décision à l’échelle locale et une
grande flexibilité sont essentielles pour la survie des personnes qui utilisent de manière productive des environnements marginaux sensibles, menacés par l’avancée du désert.
39Cette approche prend une importance vitale quand une gestion insuffisante des équilibres fragiles entre les principaux éléments (sol, eau, plantes et
animaux) risque de déboucher sur une désertification touchant des espaces de plus en plus étendus.
40Après vingt ans, la comparaison des données recueillies et cartographiées par l’équipe du Professeur Djebaili en 1980 avec les mesures effectuées sur 20
stations dans la même zone en fin 2000, met en évidence de façon irréfutable la tendance à la désertification qui tend à prendre la dimension d’une catastrophe écologique aux conséquences
socio-économiques désastreuses. En observant ce qui s’est passé à Nâama en un temps relativement court, on se trouve naturellement amené à prendre conscience de l’importance du phénomène de
dégradation et de la nécessité d’adopter des mesures appropriées à prendre d’urgence pour tenter de freiner cette évolution régressive (boucle de rétroaction négative).
41Ce caractère d’urgence incite à opter en faveur de méthodes d’analyses permettant des décisions rapides et pertinentes. Dans ces conditions, la
participation de l’ensemble des populations concernées à toutes les phases de planification et leur responsabilisation pour contribuer à la solution du problème paraissent nécessaires. Pour
que la planification participative d’un projet de développement réponde aux besoins réels du groupe cible, il est indispensable d’analyser (de préférence avec les différentes parties
concernées) les problèmes qui se posent, les objectifs formulés et le choix éventuel d’une stratégie.
42La planification par objectif le permet. Il s’agira d’analyser les problèmes (image de la réalité actuelle) qui concernent l’écosystème steppique de la
Wilaya de Nâama, d’analyser par la suite les objectifs (image de l’avenir et d’une situation améliorée) et de dégager les stratégies à adopter.
43L’analyse des problèmes est capitale pour la planification puisqu’elle oriente la conception d’une éventuelle intervention. C’est l’établissement des
relations de causes à effets entre des facteurs négatifs de la situation existante. L’analyse se présente sous forme d’un diagramme où sont représentés les effets et les causes d’un
problème donné (cf. figure 5).
44Le point d’entrée de l’analyse des problèmes a été : la dégradation voire la « désertification » de l’écosystème steppique sur un territoire
bien déterminé, la Wilaya de Nâama.
45Les états négatifs du diagramme de problèmes sont convertis en états positifs à atteindre. La hiérarchie moyens - fins est ainsi visualisée dans le
diagramme des objectifs. Ce diagramme permet d’avoir une vue globale et claire d’une situation positive souhaitée (CCE, 1993).
46Cette étape permet d’identifier les différentes stratégies possibles pour atteindre un objectif spécifique et de choisir la stratégie à adopter
pour l’intervention. Plusieurs stratégies peuvent être retenues, dans ce cas on aboutit à l’élaboration d’un programme qui englobe plusieurs projets aux résultats complémentaires
(synergie).
47La dégradation de l’écosystème steppique de la Wilaya de Nâama a été mise en évidence par les travaux de prise de mesures sur le terrain et d’analyses au
laboratoire.
48La comparaison actuelle de deux espaces, aux conditions lithologiques et climatiques semblables, révèle une phytomasse riche dans la zone frontalière
algéro-marocaine (Mekmen BenAmar) qui a connu durant une vingtaine d’années une mise en défens et une phytomasse très pauvre pour le reste du territoire (transect de l’écosystème étudié),
ce qui met en évidence l’importance de l’intervention humaine, voire la prédominance du facteur anthropique, puisque sur le plan pédoclimatique, il n’existe pas de différence significative
entre les deux zones.
49L’évolution régressive de l’écosystème, les résultats de l’analyse comparative spatio-temporelle, sont probants. L’importance du facteur anthropique est
évidente. Entreprendre des études fondées sur des enquêtes structurées très longues et coûteuses ne semble pas constituer une solution appropriée à l’urgence de l’intervention.
50Nous avons alors opté pour des outils méthodologiques de la MARP (Méthode Accélérée de Recherche Participative) et de la GCP (Gestion du cycle de projet)
qui permettent une connaissance des conditions et problèmes des populations locales, à savoir :
51La revue des données secondaires et les interviews semi-structurées avec les parties prenantes : éleveurs, décideurs, conservation des forêts, Haut
Commissariat au Développement de la Steppe (HCDS), Direction des Services Agricoles (DSA) et associations.
52Les cartes / transects.
53L’utilisation des photographies et les citations révélatrices.
54Le diagramme élaboré (arbre des problèmes) permet d’identifier les principales causes de ce phénomène écologique majeur (figure 5). Le problème starter
(faiblesse de la phytomasse de la m