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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Influence de l‘utilisation des terres sur les risques de ruissellement et d‘érosion sur les versants semi‐arides du nord‐ouest de l‘Algérie

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Influence de l‘utilisation des terres sur les risques de ruissellement et d‘érosion sur les versants semi‐arides du nord‐ouest de l‘Algérie

Science et changements planétaires / Sécheresse. Volume 15, Numéro 1, 96-104, JANVIER-FÉVRIER-MARS 2004, Note de recherche

 

Résumé Summary

Auteur(s) : Boutkhil Morsli, Mohammed Mazour, Nadjia Mededjel, Abdelkrim Hamoudi, Eric Roose , Institut national de recherche forestière (INRF), BP 88, Mansourah, Tlemcen, Algérie <morbinrfyahoo.fr> Faculté des sciences, Dépt Foresterie, Tlemcen, Algérie <mohamed_mazouryahoo.fr> Institut national de recherche forestière (INRF), BP 893, RP Tlemcen, 13000, Algérie Institut national de recherche forestière (INRF), BP 73, Chéraga, Alger, Algérie Institut de recherche pour le développement (IRD), Laboratoire MOST, BP 64501 34394 Montpellier cedex 5 <roosempl.ird.fr> .

Résumé : L‘érosion cause actuellement de sérieux problèmes à la production agricole, caractérisée par une grande variabilité et un déficit chronique. La gravité de ce phénomène semble dépasser tous les efforts consentis jusque‐là pour juguler les divers processus d‘érosion. L‘aridité climatique de ces vingt dernières années n‘est probablement pas étrangère à l‘accélération de la dégradation du milieu rural. Mais cette contribution montre qu‘en plus de la sécheresse qui a marqué les paysages du Nord‐Ouest algérien, certaines activités humaines (défrichement des versants, surpâturage et techniques culturales) semblent responsables de cette dégradation. Les auteurs ont donc testé diverses alternatives de gestion des terres pour tenter de réduire les risques d‘érosion et d‘amorcer une augmentation de la productivité des terres et du travail. Les résultats ont montré que l‘exploitation continue des sols avec un entretien régulier des matières organiques du sol ne présente pas de grand risque érosif en année normale : les sols seraient très résistants et les pluies généralement peu érosives. En revanche, les sols nus épuisés et\\ou abandonnés, les jachères surpâturées et les pistes sont à l‘origine de ravinements bien plus graves que l‘érosion en nappe. Malgré le déficit pluviométrique enregistré, certaines formes de gestion ont été à l‘origine de forts ruissellements (Krmax ∓ 56 %) mais, globalement, l‘érosion sur parcelles de 100 m 2 et le ruissellement en nappe restent modérés (Kram ∓ 3 à 10 % \; E ∓ 0,3 à 6 t\\ha\\an), ce qui confirme les résultats de nombreux auteurs en Afrique du Nord. Cependant, l‘érosion en nappe décape sélectivement les argiles, matières organiques et nutriments associés et altère la mince pellicule organo‐minérale de la surface du sol, source essentielle de la fertilité.

Mots-clés : Techniques culturales \; Érosion \; Algérie.

Illustrations

ARTICLE

Auteur(s) : Boutkhil Morsli1, Mohammed Mazour2, Nadjia Mededjel3, Abdelkrim Hamoudi4, Eric Roose5

1 Institut national de recherche forestière (INRF), BP 88, Mansourah, Tlemcen, Algérie

<morbinrf@yahoo.fr>

2 Faculté des sciences, Dépt Foresterie, Tlemcen, Algérie

<mohamed_mazour@yahoo.fr>

3 Institut national de recherche forestière (INRF), BP 893, RP Tlemcen, 13000, Algérie

4 Institut national de recherche forestière (INRF), BP 73, Chéraga, Alger, Algérie

5 Institut de recherche pour le développement (IRD), Laboratoire MOST, BP 64501 34394 Montpellier cedex 5

<roose@mpl.ird.fr>

Les versants du Nord-Ouest algérien qui représentent un grand potentiel de production agricole sont affectés depuis un siècle par une dynamique de dégradation du couvert végétal et des sols. Si l’érosion est importante à cause de la fragilité du milieu physique et de l’agressivité climatique, il semble que l’influence du mode de gestion des terres devient de plus en plus déterminante depuis la persistance de la sécheresse au cours des vingt dernières années. Cet article analyse justement l’impact du mode d’utilisation des terres sur divers processus d’érosion et sur la productivité des sols représentatifs de ces moyennes montagnes méditerranéennes semi-arides.

Aujourd’hui, les équilibres entre la végétation, le sol et l’eau se trouvent perturbés. Le défrichement, le surpâturage, la mise en culture des terres sur forte pente sont autant de facteurs liés à l’homme qui ont accentué les phénomènes de dégradation. En conséquence, environ 6 millions d’hectares sont exposés à une érosion active, et en moyenne 120 millions de tonnes de sédiments sont emportées annuellement par les eaux [1]. Les pertes annuelles en capacité de stockage des eaux dans les barrages sont estimées à environ 20 millions de m3 et sont dues à l’envasement [2]. La subsistance des populations est de plus en plus menacée par l’accélération de ces phénomènes d’érosion.

De grands moyens ont été déployés depuis plusieurs décennies, mais ces efforts en matière d’aménagement et de protection des sols n’ont pas toujours atteint leurs objectifs. Les échecs constatés au niveau des nombreux aménagements sont essentiellement dus aux erreurs d’appréciation des types d’érosion, de la complexité des processus, du manque de suivi et des coûts élevés [3]. Pour mieux contrôler les divers types de dégradation, il est nécessaire de mieux comprendre les processus en cause et d’évaluer l’efficacité des facteurs de risque.

Deux écoles s’affrontent encore aujourd’hui sur les stratégies de lutte : l’une développée par Bennet [4] qui structure la lutte antiérosive autour de moyens mécaniques (terrasses et drains), l’autre développée par Ellison [5] qui organise la lutte au niveau des systèmes de culture pour réduire le volume et la vitesse du ruissellement au champ en améliorant le couvert végétal et la rugosité du sol.

L’Institut national de recherche forestière (INRF) (avec la collaboration des universités de Tlemcen et de Mascara) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD-ex Orstom) dans le cadre d’une convention bilatérale, ont testé une nouvelle stratégie participative appelée Gestion conservatoire de l’eau et de la fertilité des sols (GCES) [6]. Cette approche fait l’objet, depuis 1985, de plusieurs expérimentations dans le Nord algérien. À partir de cette nouvelle méthodologie, s’est développé un programme à plusieurs volets : enquête sur l’efficacité de la défense et restauration des sols (DRS), aménagement de micro-bassins-versants et quantification des différents processus d’érosion en fonction des systèmes de gestion. C’est de ce dernier volet dont il est question dans cet article.

Des recherches sur le ruissellement, l’érosion en nappe, l’érodibilité des sols et la production de biomasse ont été menées sur un réseau de 30 parcelles d’érosion réparties sur différents sites du Nord-Ouest algérien. Les principaux sols et les systèmes de culture les plus pratiqués dans ces régions ont été testés ainsi que différentes améliorations et innovations en vue d’une exploitation optimale et durable des ressources naturelles. Ces parcelles expérimentales sont localisées dans les bassins-versants de Mascara et de Tlemcen qui constituent le réservoir d’eau de toute la région ouest de l’Algérie (10 barrages).

Matériel et méthode

L’approche méthodologique repose sur l’analyse du ruissellement et de l’érosion en fonction des systèmes de gestion au niveau de parcelles expérimentales de 100 m2 de type Wischmeier [7]. Sont également étudiés les facteurs de l’agressivité climatique et les caractéristiques du sol.

Ces recherches sont menées sur un dispositif expérimental comprenant 30 parcelles d’érosion réparties au niveau des monts de Tlemcen et de Mascara (figure 1).

Les parcelles d’érosion sont constituées d’un pluviomètre et d’un champ de 100 m2 isolé par des tôles fichées en terre. En aval de cette parcelle, un canal comprenant un piège à sédiments grossiers (TDF), dirige les eaux et les suspensions (MES) dans deux cuves de stockage à travers un partiteur à 15 tubes. La pluie, le ruissellement et les pertes en terre ont été mesurés après chaque pluie. Les pertes en terre englobent les particules fines en suspension (argile + limons + matières organiques) et les sédiments lourds (agrégats et sables) tractés à la surface du sol.

Les parcelles sont regroupées en blocs comprenant :

– un témoin international, qui représente une jachère travaillée dont le sol est maintenu dénudé durant toute l’année ;

– un témoin régional avec des cultures traditionnelles : céréales, jachères, légumineuses et fourrages ;

– des parcelles comportant différents types de végétation naturelle (forêts, matorrals, parcours) ;

– des parcelles améliorées (engrais, travail du sol, semences sélectionnées ou regarnissage par des arbustes fourragers et mise en défens).

L’agressivité climatique est déterminée à partir des caractéristiques des pluies (hauteur, intensité et érosivité) par les différentes stations selon la technique décrite par Wischmeier [7]. La sensibilité des sols à l’érosion est évaluée à partir d’indicateurs tels que la stabilité structurale et le taux de matières organiques (MO).

La zone étudiée du Nord-Ouest algérien est caractérisée par :

– un climat de type méditerranéen semi-aride ;

– des pluies annuelles variant de 280 mm à 500 mm : elles tombent de septembre à mai, avec deux pointes en automne et au printemps. Ces pluies sont caractérisées par une irrégularité spatio-temporelle et par un régime de courte durée et à forte intensité (l’intensité maximale atteint 84 mm/h en 30 mn) ;

– un relief fortement disséqué, ayant souvent de fortes pentes et un réseau de drainage très dense ;

– une lithologie caractérisée par l’alternance de roches tendres (sensibles à l’érosion) et de roches plus résistantes dont l’association va marquer le relief : on trouve souvent une roche dure protégeant une roche tendre très pentue ;

– des formations végétales très dégradées, caractérisées par de faibles densités de recouvrement et de mauvaises conditions de régénération.

Résultats et discussion

Précipitations

Les pluies annuelles ont varié de 280 à 550 mm. Durant la dernière décennie, les pluies ont été généralement faibles : 65 % des averses ont une hauteur inférieure à 10 mm. Toute la région a enregistré un déficit notable de 60 à 280 mm par rapport aux moyennes sur 30 ans [8]. Non seulement la hauteur des pluies a été modeste dans toutes les stations mais aussi leur intensité, d’où une agressivité climatique faible.

Les précipitations mensuelles sont également très irrégulières et concentrées sur quelques jours des mois les plus pluvieux, laissant apparaître des périodes de sécheresse relative au cours de la saison pluvieuse. Les averses de la fin d’été et d’automne sont les plus dangereuses, car elles tombent sur des sols tassés, encroûtés et dénudés après la saison sèche.

Les précipitations enregistrées lors des trois dernières décennies, y compris la période où ont été effectuées les mesures, sont relativement faibles (figure 2).

L’indice Rusa de l’agressivité des pluies oscille entre 30 et 100 en moyenne (figure 3) et le rapport Rusa/hauteur des pluies annuelles est de l’ordre de 0,10 à 0,12 dans le Nord-Ouest algérien. Ce rapport est de 0,12 dans l’oued Mina (Algérie), où le module pluviométrique annuel varie de 150 mm à 300 mm, alors que ce rapport varie de 0,45 à 0,60 en Afrique occidentale et de 0,20 à 0,30 dans les montagnes de l’Afrique centrale [9-10]. Les pluies ordinaires sont donc relativement peu agressives.

Il faut noter que malgré les faibles valeurs de l’indice d’agressivité des pluies, l’activité de l’érosion est toujours intense comme en témoignent les paysages très dégradés, les versants ravinés et les inondations catastrophiques répétées. Cette situation paradoxale semble indiquer que les séries de pluies saturantes et la faible épaisseur du sol sont à l’origine de ces phénomènes catastrophiques de ravinement bien plus que l’agressivité des pluies orageuses, très intenses mais limitées dans l’espace et dans le temps [8].

Ruissellement

Le coefficient de ruissellement annuel moyen (Kram %) a été modeste : selon les années, il varie de 4 à 13 % sur sol nu, de 1,5 à 10 % sur parcelles cultivées traditionnelles et de 0,3 à 6 % sur cultures améliorées (tableau I). Cela s’explique en partie par les pluies déficitaires. En revanche, le ruissellement maximum (Krmax %) a atteint des valeurs relativement élevées : jusqu’à 56 % à Tlemcen et 80 % sur sol nu tassé à Médéa.

Tableau I. Ruissellement et érosion dans le nord-ouest semi-aride de l’Algérie.

Hériz, Tlemcen ; sol brun vertique sur marnes ; pluie moyenne sur une durée de 20 ans : 337 mm ; pluies : (1989-1990 : 354 mm ; 1990-1991 : 321 mm ; 1992-1993 : 242 mm ; 1993-1994 : 20 mm)

Période Kram (%) Krmax (%) Érosion (t/ha/an)

Système agropastoral ; pente 15 % ;

Témoin : sol nu labouré 1989-1994 7,3 39 2,83

Blé-jachère traditionnelle 1989-1994 5,4 30 1,46

Blé intensif 1989-1993 4,0 22 1,26

Vesce + avoine 1993-1994 2,3 5 0,23

Station chérif 1, Tlemcen ; sol brun vertique sur marnes ; pluie moyenne sur une durée de 20 ans : 337 mm (1989-1990 : 354 mm ; 1990-1991 : 321 mm ;

1992-1993 : 242 mm ; 1993-1994 : 200 mm)

Système agropastoral ; pente 30 %

Témoin : sol nu labouré 1989-1994 7,0 27 1,81

Blé-jachère traditionnelle 1989-1993 5,7 14 1,35

Blé intensifié + NP 1992-1993 2,2 9 0,37

Pois chiche traditionnel 1993-1994 4,0 11 0,31

Pois chiche amélioré 1993-1994 3,3 9,4 0,30

Station chérif 2, Tlemcen ; sol brun vertique sur marnes ; pluie moyenne sur une durée de 20 ans : 337 mm (1989-1990 : 354 mm ; 1990-1991 : 321 mm ;

1992-1993 : 242 mm ; 1993-1994 : 200 mm)

Système agropastoral ; pente 20 %

Témoin : sol nu labouré 1989-1994 6,1 25 1,76

Blé traditionnel 1989-1993 5,8 22 1,40

Blé + NP 1992-1993 2,8 8 0,39

Vesce avoine traditionnelle 1993-1994 2,6 7 0,40

Vesce avoine améliorée 1993-1994 0,9 2,4 0,27

Station de Fergoug, Mascara ; sol brun calcaire limoneux ; pluie moyenne sur une durée de 25 ans : 450 mm (1993-1994 : 242 mm ; 1994-1995 : 320 mm ;

1995-1996 : 470 ; 1996-1997 : 240 mm ; 1997-1998 : 259 mm)

Système agropastoral ; pente 20 %

Témoin : sol nu labouré 1993-1998 6,5 32 5,82

Orge traditionnelle 1993-1998 2,2 13 0,70

Orge intensive 1993-1998 1,8 12 0,60

Pois + engrais 1993-1998 1,8 11 0,34

Jachère pâturée 1993-1998 3,9 25 0,96

Jachère non pâturée 1993-1998 0,3 26 0,64

Station Ain Farès, Mascara, sol brun vertique ; pluie moyenne sur une durée de 25 ans : 450 mm (1993-1994 : 242 mm ; 1994-1995 : 320 mm ; 1995-1996 : 470 mm ; 1996-1997 : 240 mm ; 1997-1998 : 259 mm)

Système agropastoral ; pente 40 %

Témoin : sol nu labouré 1993-1998 3,9 33 4,08

Blé traditionnel 1993-1998 1,5 22 0,95

Blé amélioré 1993-1998 1,2 22 0,60

Pois chiche 1993-1998 2,2 23 1,58

Jachère non pâturée 1993-1998 1,8 22 0,65

Jachère pâturée 1993-1998 2,1 22 1,00

Station Maghnia, Tlemcen ; sol brun calcaire colluvial ; pluie moyenne sur une durée de 21 ans : 284 mm ; (pluie 1998-1999 : 303 mm)

Système agropastoral ; pente 25 %

Témoin : sol nu labouré 1998-1999 10,2 56 4,10

Blé-jachère traditionelle 1998-1999 10,1 35 3,30

Blé-vesce avoine intensif 1998-1999 6,2 22 3,60

Station de Madjoudj ; sol brun calcaire érodé ; pluie moyenne sur une durée de 29 ans : 416mm ; (pluie 1989-1990 : 345 mm)

Système sylvopastoral ; pente 21 %.

Témoin : sol nu labouré 1989-1990 5,4 35 3,80

Matorral dégradé, pâturé 1989-1990 1,2 8 0,50

Matorral en défens, enrichi 1989-1990 0,8 4 0,30

Station de Gourari, Tlemcen ; sol fersiallitique ; pluie moyenne sur une durée de 29 ans : 432 mm ; (pluie 1990-1991 : 550 mm)

Système pastoral ; pente 10 %

Témoin : sol nu labouré 1990-1991 13,6 34 5,20

Matorral très dégradé pâturé 1990-1991 15,2 25 2,10

C’est lors d’événements exceptionnels (de fréquence décennale) que se déclenchent les graves manifestations de ravinement, des crues soudaines des oueds, des glissements de terrain et l’envasement rapide des réservoirs. Souvent, le ravinement s’organise au pied de zones de glissement de terrain dans des paysages concaves où les versants forment des cirques, zones de concentration des eaux de surface [13].

La limite de déclenchement du ruissellement est variable en fonction de la hauteur et de l’intensité de la pluie, de l’humidité du sol, des états de surface du sol (fissuration, cailloux, mottes), du couvert végétal et des propriétés du sol. Ainsi, en zone marneuse de Tlemcen, cette limite a atteint 80 mm sur sol sec et seulement 25 mm sur sol humide. Sur les sols lithomorphes en général, toutes les pluies dépassant 20 mm déclenchent un ruissellement, même si le sol est sec [14].

D’autre part, le ruissellement peut se déclencher même pour des pluies de hauteur ou d’intensité faible lorsque les pluies sont consécutives et le sol très humide et encroûté. Une pluie de 8 mm a pu déclencher un taux de ruissellement de 32 % (tableau II). Cela montre l’influence de l’humidité préalable et de l’état de surface du sol (sol totalement fermé et lisse). Les observations faites sur le terrain confirment ces résultats et montrent que le ruissellement se développe rapidement sur les terrains abandonnés (par exemple, après l’arrachage des vignes). Il est fréquent aussi d’observer des rigoles et des ravines provenant des chemins, des parcours dégradés et surtout des pistes.

Tableau II. Érosion et ruissellement pour quelques averses particulièrement agressives sur parcelles nues standard.

Date Averse (mm) Kr (%) E (kg/ha/an) Sites

01-1990 80,0 38,6 5 700 Hériz (Tlemcen)

01-1990 22,6 29,3 1 322 Madjoudj (Tlemcen)

05-1993 49,0 26,5 1 621 Hériz (Tlemcen)

01-1994 22,0 12,5 651 Chérif (Tlemcen)

05-12-1995 45,0 8,5 1 800 Mascara

28-12-1995 8,0 32,3 1 000 Mascara

02-1996 54,0 15,0 2 000 Mascara

Par ailleurs, le ruissellement et l’érosion en nappe restent très variables dans l’espace nord-maghrébin, vu la diversité des facteurs écologiques. Selon Heusch [15], le ruissellement varie de 0 à 30 % selon les situations, mais il reste en général inférieur à 10 %. L’évolution du ruissellement au cours de l’année est semblable pour toutes les parcelles : les taux les plus élevés sont enregistrés en automne jusqu’à l’époque de semis où les conditions optimales du ruissellement sont réunies (pluies abondantes et relativement intenses, sol nu labouré et peu cohérent ou croûte de battance). Ce n’est que lorsque le sol est labouré et que la végétation commence à couvrir le sol, que la différence de fonctionnement devient nette. L’évolution du couvert végétal durant la saison des pluies et son interaction avec les techniques culturales influencent profondément l’aptitude du sol au ruissellement et à l’érosion. Ces observations ont été confirmées par les résultats obtenus par Morsli et Meddi [16] sous pluies simulées dans la même région.

Pertes en terre

L’érosion en nappe varie de 2 à 6 t/ha/an sur sol nu, de 0,3 à 1,5 t/ha/an sur parcelles cultivées traditionnelles et de 0,3 à 1,3 t/ha/an sur parcelles améliorées (tableau I). L’érosion globale varie, quant à elle, dans des proportions encore plus grandes à l’échelle du Maghreb : négligeable dans de nombreux cas, elle peut atteindre des chiffres records (54 t/ha/an), comparables à ceux des bad-lands1 [17]. Les taux d’érosion sont aussi variables à l’échelle interannuelle (tableau III) et mensuelle.

Tableau III. Variabilité interannuelle du ruissellement et de l’érosion en nappe dans une parcelle nue standard sur sol brun calcaire dans les Monts de Beni Chougrane, près de Mascara.

Année Pluies annuelles Kram % Krmax % Érosion t/ha/an

1993-1994 242 6,4 26,6 2,50

1994-1995 320 6,9 28,1 3,50

1995-1996 470 7,6 32,3 8,50

1996-1997 240 6,2 27,3 5,40

1997-1998 259 5,3 25,9 9,20

1993-1998 306 6,5 32,3 5,82

Les résultats montrent que c’est au début de l’automne qu’on observe l’érosivité maximale des orages et la fragilité maximale du milieu cultivé. Globalement, ces résultats sont en concordance avec ceux trouvés par Roose et al. [8] et Gomer et Vogt [18] en Algérie ainsi que par Laouina et al. [19] et Mouffadal [20] au Maroc.

Ces mesures d’érosion sur parcelles expérimentales de 100 m2 sur les sols représentatifs des montagnes méditerranéennes du nord-ouest de l’Algérie, confirment l’hypothèse défendue par Heusch [15] et Demmak [21] selon laquelle l’érosion en nappe sur les versants n’apporte qu’une petite contribution (0,2 à 10 t/ha/an) aux sédiments transportés par les oueds. Cependant, le ruissellement provenant des versants peut atteindre 50 à 80 % durant les averses exceptionnelles tombant sur des terres compactées et encroûtées. C’est ainsi qu’on a mesuré, en 1927, un débit de 500 m3/s dans le petit bassin de l’oued Melah dans les Beni Chougrane et de 3 600 m3/s dans la basse Tafna, en 1936 [17].

Dans la zone tellienne de l’Algérie, la plus grande partie des sédiments provient des ravines et non des interfluves. Selon Gomer et Vogt [18], l’érosion diffuse ne contribue que peu dans la charge évacuée à l’exutoire des petits bassins-versants. Les résultats montrent que l’érosion est due principalement au ruissellement exceptionnel. Ce dernier est favorisé par l’encroûtement et par la compaction de la surface du sol par les animaux, le faible couvert végétal, les fortes pentes et la topographie concave des versants.

L’érosion en nappe ne semble pas être le processus le plus actif pour l’érosion des versants méditerranéens, mais même si les pertes en terre pour ce type d’érosion restent en général modérées par rapport aux seuils de tolérance (2 à 12 t/ha/an), la mince pellicule organo-minérale de la surface du sol, source essentielle de la fertilité des sols, est continuellement éliminée par l’érosion sélective de l’argile, des limons et des matières organiques [22]. Cela modifie profondément la dynamique de l’eau au niveau des horizons superficiels et réduit l’infiltration ; on observe par conséquent une réduction du stockage des eaux de pluie dans les sols, un déficit du bilan hydrique et une réduction des rendements des céréales qui entraîne à son tour une diminution du stock de carbone du sol.

L’étude pédologique a montré qu’une partie des matériaux érodés reste piégée sur le versant. La quantité de terre retenue sur le versant dépend des conditions topographiques et du mode de gestion des sols. Des dépôts importants sont observés dans les zones de ralentissement du ruissellement (replat, concavité, adventices, talus, haies vives...), ce qui crée une redistribution de la fertilité des sols. La compréhension de cette dynamique en fonction des utilisations des terres peut aider à une meilleure gestion des potentialités des couvertures pédologiques et à la restauration des stocks de carbone dans le sol tant pour des questions de durabilité de la production agricole que pour des objectifs environnementaux.

Les pertes en terre sont généralement liées aux pluies, à la couverture végétale et aux états de surface du sol. La relation entre ruissellement et érosion n’est pas stable durant l’année, elle varie au cours des saisons [23]. Dans le cas des monts de Beni Chougrane, des coefficients de corrélation significatifs sont obtenus si les données sont séparées en trois saisons (tableau IV).

Tableau IV. Relations entre l’érosion, la lame d’eau écoulée et les facteurs explicatifs au cours des saisons.

Saison Expression

Coefficient de corrélation (R)

Automne Lr = 0,29 P – 2,06 0,97

E = 471,9 P0,25 – 6,4431 0,90

E = 244,65 Log.(Lr) + 309,91 0,84

Hiver Lr = 0,11 P + 0,041 IPA – 0,64 0,92

E = 64,25 P – 4,53 IPA – 2,04 0,88

E = 64,25 Lr + 1,45 IPa + 33,02 0,95

Printemps Lr = 0,12 P + 0,031 IPA – 0,42 0,98

E = 3,42 P + 53,3 0,69

E = 31,69 Lr + 72,26 0,77

P : pluie en mm ; I : intensité moyenne de la pluie en mm/h ; Lr : lame d’eau ruisselée ; E : érosion en kg/ha ; IPA : indice représentant l’état d’humidité du sol (pluie des cinq jours précédant le jour considéré).

L’indice de pluie tombée les 5 jours précédants (IPA) s’est aussi avéré un bon indicateur des risques de ruissellement au niveau du bassin-versant de l’oued Mina à l’ouest de l’Algérie [24].

1. Stade ultime du ravinement.

Impact des systèmes de culture sur le ruissellement et l’érosion

Le système de culture, défini comme la succession des cultures sur une parcelle et des techniques culturales qui leur sont appliquées, est le facteur important où l’homme peut intervenir pour modifier la sensibilité des sols à l’agressivité des pluies. Toute opération culturale induit une modification de l’état structural du sol et de l’infiltration et par conséquent une diminution ou une augmentation du ruissellement et de l’érosion.

La céréaliculture extensive est la culture traditionnelle la plus pratiquée dans les régions du Nord-Ouest algérien, en rotation avec quelques légumineuses (pois chiches, petits pois et fèves), suivie d’une jachère pâturée. Sur la jachère, la végétation naturelle est essentiellement herbacée et annuelle avec présence localisée de formations arbustives, souvent épineuses (Ziziphus).

Les sols cultivés sont pratiquement nus durant l’été et l’automne. Au début de la saison pluvieuse, la différence d’érosion entre le sol nu et les parcelles améliorées n’est pas importante. Ce n’est qu’après labour et recouvrement des sols par la végétation que les traitements influencent le ruissellement et l’érosion (diminution jusqu’à 25 fois par rapport au sol nu pour la jachère mise en défens). Cette diminution est due principalement à la rugosité des états de surface du sol et à la présence de résidus de culture ou de litière.

Le taux de ruissellement maximal (Krmax) au cours des principales averses peut atteindre 8 à 32 % des pluies journalières sur un sol correctement cultivé et 56 % sur parcelles épuisées, abandonnées, dénudées, tassées par le bétail et encroûtées par la pluie.

Les résultats obtenus sous pluies simulées dans les Monts de Beni Chougrane avec une intensité de 30 mm/h (tableau V) ont montré l’amélioration de l’infiltration par le travail grossier par le chisel (TM), par le travail à l’araire (TA), les jachères mises en défens (JNP) et l’effet négatif du défoncement des sols en pente (D), des jachères pâturées (JP) et des sols abandonnés (SNTP).

Tableau V. Effet des systèmes de gestion sur le ruissellement et l’érosion sous pluies simulées.

Modes de gestion TM TA D JNP JP SNTP Témoin

Ruissellement (%) 7,1 9,0 10,0 33,1 45,0 43,0 55,0

Pluie d’imbibition (mm) Sec 33,0 31,0 28,0 19,0 14,0 15,0 12,0

Humide 17,0 13,0 10,0 6,0 5,0 4,6 1,5

Très humide 4,1 2,8 2,3 1,8 1,5 0,9 0,4

Infiltration finale (mm/h) Sec 23,0 20,0 20,0 6,1 3,3 2,8 1,8

Humide 6,8 5,2 4,1 2,1 0,6 0,7 0,4

Turbidité (g/L) 22,0 30,0 32,0 18,0 28,0 36,0 38,0

TM : travail par le chisel ; TA : travail à l’araire ; D : défoncement des sols en pente ; JNP : jachères mises en défens ; JP : jachères pâturées ; SNTP : sols abandonnés.

Sous végétation naturelle (matorral dégradé), le ruissellement est fréquent lors des averses importantes ; en revanche, l’érosion y est relativement faible : la matière organique (litière) est transportée en grande quantité par le ruissellement. Le ruissellement maximal (Krmax) varie de 4 à 8 % sur un matorral bien couvert et de 10 à 56 % sur un parcours très dégradé, tassé et surpâturé. Si ce ruissellement traverse un champs labouré situé en aval, il risque de créer une ravine bien plus dangereuse que l’érosion en nappe.

L’amélioration des systèmes de gestion (forte densité de semis, fertilisation, rotation avec légumineuses, cultures fourragères) a réduit plus ou moins fortement les risques d’érosion et de ruissellement. La mise en défens a réduit de 2 à 25 fois le ruissellement et de 3 à 10 fois l’érosion, et a amélioré la productivité des sols. Ainsi, les rendements ont été multipliés de 2 à 4 fois sur parcelles cultivées améliorées, malgré le déficit hydrique. L’amélioration de la production de biomasse (paille) a contribué de manière significative à l’alimentation du bétail, à l’entretien de la fertilité des sols, à la stabilité de la structure du sol, et donc à sa résistance à l’érosion. Le suivi temporel (5 ans) de l’évolution de la fertilité au niveau des stations expérimentales a montré que la teneur du carbone organique du sol dans la couche 0-10 cm évolue en fonction du système de gestion (figure 4). Elle diminue de 1,0 à 1,5 % sur un sol nu et augmente de 1,5 à 2,0 % sur un sol couvert par la végétation comme c’est le cas de la jachère mise en défens.

De ces études expérimentales effectuées au champ, de nombreuses conclusions peuvent être tirées.

Généralement, un sol cultivé présente moins de risques qu’un sol nu tassé. Le travail du sol et le billonnage sur les zones cultivées, de pente inférieure à 15 %, ont une influence très marquée sur le risque de ruissellement : ces techniques retardent le déclenchement du ruissellement et augmentent l’infiltration. Le billonnage en courbes de niveau effectué sur plusieurs cultures semble bénéfique dans cette région. Lors de fortes pluies et sur fortes pentes, les billons peuvent être rompus et donner naissance à des rigoles qui peuvent évoluer en ravines. Bien menées, ces techniques (billons isohypses, cloisonnés, microrelief accentué...) peuvent diminuer considérablement le ruissellement et l’érosion et permettre ainsi un bon stockage d’eau dans le sol sur des versants de pente inférieure à 15 %.

En revanche, la jachère pâturée, les parcours et les sols abandonnés tassés présentent un grand risque où le ruissellement et l’érosion ravinante sont élevés : les états de surface sont caractérisés par une rugosité faible, une dominance des surfaces fermées et par une couverture végétale très faible. Le risque devient encore plus grand sur les zones de surpâturage.

La jachère mise en défens et les parcours améliorés où la biomasse est relativement importante, présentent moins de risques et permettent l’enrichissement du sol notamment en carbone. Cela est dû à l’accumulation successive des résidus pendant plusieurs années. Ces modes de gestion peuvent être encore plus efficaces s’ils sont améliorés par des légumineuses et si le pâturage est réglementé. Mais ces modes d’utilisation qui produisent toujours un fort ruissellement doivent être associés à des structures antiérosives adaptées pour réduire la vitesse de ruissellement et diminuer les masses d’eau qui se concentrent en aval, et qui sont à l’origine de l’aggravation des ravines existantes et du départ de nouvelles ravines.

D’une façon générale, ces sols en pente, doivent être protégés par des techniques antiérosives et des assolements appropriés. Certaines pratiques nécessitent des améliorations, et d’autres, une reconversion. Mais dans le contexte socio-économique actuel, il est difficile de changer rapidement un mode de gestion des terres. La politique agricole de l’Algérie actuelle a tendance à réduire les surfaces céréalières peu productives à cause des conditions climatiques défavorables. Leur reconversion doit tenir compte des facteurs écologiques et de l’intérêt des populations rurales afin d’arriver à une gestion durable du milieu naturel.

Érodibilité des sols

L’érodibilité des sols (K) exprime la résistance du sol à l’érosivité des pluies ; il est calculé à partir de l’équation de Wischmeier et Smith [7]. Sur les parcelles, il varie entre 0,002 et 0,020 (tableau VI), classant ainsi les sols de l’Ouest algérien parmi les sols très résistants à la battance des pluies, pas forcément résistants au ravinement. Nous n’avons pas constaté de relation stricte entre l’érodibilité et le type de sol : l’érodibilité dépend essentiellement de la texture, du taux de matières organiques, de la stabilité des agrégats et de la perméabilité de la couche superficielle des sols testés.

Tableau VI. Érodibilité des principaux types de sols.

Types de sol Ruissellement Érosion (t/ha/an) Indice d’instabilité Érodibilité K USLE

Kram % Krmax %

Vertisol 6,0 25 1,78 0,3-0,8 0,010-0,020

Brun calcaire érodé 5,4 29 3,32 1,0-6,0 0,005-0,010

Brun calcaire vertique 3,9 33 4,06 0,4-0,8 0,002

Brun calcaire colluvial 10,2 56 4,10 1,0-10,0 0,004-0,010

Sol fersiallitique rouge 13,6 27 5,20 1,2-4,2 0,014-0,020

Brun calcaire limoneux 6,5 32 5,82 2,9-30,0 0,013

Par ailleurs, l’indice d’instabilité structurale (Is de Hénin) montre que les sols bruns vertiques, de texture argileuse sur marnes sont les plus résistants (Is < 1) et les moins érodibles (K = 0,002). Ils présentent une bonne stabilité structurale et l’infiltration est très élevée sur sol sec à cause de leur comportement hydrodynamique très particulier : les sols argileux étudiés possèdent plus de 30 % d’argile de type illite et interstratifiés illite montmorillonite. Il faut au moins 200 à 300 mm de pluie avant que ne se referment les fissures si caractéristiques de ces sols vertiques. À l’état humide, l’infiltrabilité des sols bruns calcaires vertiques peut atteindre des valeurs très faibles, de l’ordre de 5 mm/h [25] : à cette période, le ruissellement peut se déclencher facilement, même avec des pluies de faible hauteur (8 mm). Ces résultats sont en concordance avec ceux obtenus sur parcelles d’érosion et sous pluies simulées (1 m2). Les sols limoneux avec un taux élevé en limon, en sable fins et avec peu de matière organique dans l’horizon de surface paraissent les plus sensibles à la battance (1,2 < Is < 30).

La grande variabilité spatiale de l’érodibilité s’explique par la variation des paramètres tel que la profondeur du sol (10-100 cm), le taux de matière organique (0,7-4,0 %), le calcaire (6-40 %), la texture (sablo-limoneuse à argileuse), l’infiltration (> 500 mm sur sol humifère à 5 mm/h sur sol tassé) et l’indice d’instabilité structurale (0,3-30).

Elle présente aussi une variation au cours des saisons, due aux pratiques culturales et surtout à l’évolution de l’humidité, de la fissuration des vertisols et des états de surface.

Les corrélations entre l’indice d’instabilité structurale qui est un paramètre très fort de l’érodibilité et les paramètres de la susceptibilité des sols à l’érosion et au ruissellement (texture, matière organique, calcaire total et infiltration) montrent des relations significatives entre Is et le rapport argile/limon (r = 0,88).

L’analyse des résultats sur l’érosion et le ruissellement au niveau de la parcelle d’érosion nécessite la connaissance des facteurs les plus importants pour caractériser les états de surface du sol. L’humidité préalable des dix premiers centimètres du sol, les surfaces fermées (%), ouvertes (%), et couvertes (%), la rugosité, la pente et la capacité d’infiltration du sol sont les paramètres les plus déterminants.

Le ruissellement commence généralement après 22 à 30 mm de pluie, si le sol est sec, ou après 4 mm, si le sol est humide, encroûté ou compact. Ces seuils de hauteur limite et le volume ruisselé dépendent en partie des caractéristiques des pluies (intensité, mais aussi volume de pluie tombant après saturation du sol) et surtout de l’état de la surface du sol et de son humidité préalable.

La fréquence du ruissellement sur les différents types de sol s’explique en grande partie par les paramètres des états de surface (tableau VII). Jusqu’à 20 ruissellements ont été enregistrés sur les sols fermés à plus de 60 %, alors que seulement deux ruissellements ont été observés sur les vertisols marneux fissurés, malgré un couvert végétal quasiment nul et des mottes sur plus de 50 % de la surface du sol.

Tableau VII. Évolution des états de surface du sol dans le bassin-versant de la Tafna (1989-1991).

Types de sol Parcelles

États de surface d’octobre à avril Nombre de ruissellements

Cailloux (%) Sol fermé (%) Couvert végétal (%) Mottes 5 cm (%)

Brun calcaire vertique Jachère nue 48 40-75 2-6 55-42 7

Témoin régional 46 30-55 40-85 3 6

Améliorée 1 44 35-50 52-88 5 6

Améliorée 2 41 29-48 46-90 4 5

Brun calcaire vertique Jachère nue 5 28-61 0-5 55-48 3

Témoin régional 5 38-59 1-72 50-30 2

Améliorée 1 4 35-56 2-80 48-28 3

Améliorée 2 4 30-48 1-40 52-46 3

Fersialitique Jachère nue 41 50-65 4-8 60-44 17

Matorral dégradé 46 54-75 30-80 6 20

Améliorée 42 60-82 28-82 4 20

L’évolution des états de surface montre que lors des orages de l’automne, le sol présente toutes les conditions favorables à l’érosion et au ruissellement :

– un taux élevé de surfaces fermées ;

– un faible taux de couverture du sol par la litière et les cultures ;

– une faible cohésion et une faible rugosité de la surface du sol.

Conclusion

Durant la décennie 1989-2000 et sur le réseau d’observation de l’érosion en nappe et du ruissellement portant sur 30 parcelles d’érosion installées sur les versants nord-ouest de l’Algérie dans des sites écologiques et bioclimatiques différents, l’ensemble des résultats a montré que les pertes en terre et en eau sont relativement faibles, même durant les années où les précipitations n’ont pas été déficitaires (Kram < 10 % et E < 6 t/ha/an).

Seuls quelques événements pluviométriques exceptionnels sont à l’origine de dégradations spectaculaires (ravines ou glissements de terrain) qui marquent souvent le paysage pour plusieurs années. Le ruissellement journalier peut dépasser 50 % sur sol nu et tassé, ce qui explique l’importance du ravinement et de l’envasement des barrages. Les masses d’eau ravinantes proviennent, dans une large proportion, des versants (90 %). Tout aménagement de versants pentus doit viser l’étalement des eaux en nappe afin d’augmenter leur infiltration et de réduire leur capacité de dégradation (par dissipation de l’énergie du ruissellement sur la rugosité du sol et des cultures).

Les résultats des mesures sur parcelles montrent que l’érosion en nappe et le ruissellement restent généralement faibles : ils confirment les résultats obtenus par plusieurs auteurs en Afrique du Nord. Même si cette érosion demeure modérée, elle altère fortement la mince pellicule organo-minérale de la surface du sol qui est la source essentielle de la fertilité. L’analyse des formes d’utilisation des terres a montré que l’exploitation continue et rationnelle des sols ne présente pas de grand risque érosif. Ce sont surtout les sols nus, épuisés et/ou abandonnés, les jachères surpâturées, ou les pistes, qui causent les dommages les plus importants lorsque le ruissellement se rassemble dans des ravines.

L’analyse morphologique de ces paysages jeunes de montagnes moyennes, profondément entaillées, confirme les résultats obtenus sur parcelles, à savoir que l’érosion linéaire est plus active que l’érosion en nappe en montagne méditerranéenne. Par ailleurs, l’érosion en nappe reste sélective des particules fines et du carbone.

La pente n’est pas toujours le facteur dominant du risque érosif. Malgré les versants très raides testés (10-45 %), les risques d’érosion en nappe ont été modestes. En revanche, la pente intervient significativement pour expliquer les pertes en terre par ravinement. Le fait à déjà été signalé par Naïmi et al. [26] et Kouri et al. [27] dans le Maghreb. Cette conclusion rejoint les travaux de Poesen [28 ], Lal [29], Hudson [30], Roose [6, 31] et De Noni et Viennot [32] qui montrent que l’érosion linéaire augmente avec l’énergie cinétique du ruissellement et l’emporte sur l’énergie des pluies (qui crée l’érosion en nappe) dès que la pente dépasse 15 % [6].

Dans le contexte des montagnes méditerranéennes semi-arides que nous analysons, d’autres facteurs interviennent dans la dégradation avancée des sols et du couvert végétal.

Les faibles valeurs du facteur de l’agressivité climatique (Rusa = 30 à 80) n’expliquent pas totalement le faible niveau d’érosion en nappe observé. Deux facteurs semblent jouer un rôle important : le déficit hydrique et les modes de gestion appliqués qui ne suivent plus l’évolution bioclimatique du milieu naturel. La faible pluviosité enregistrée ces deux dernières décennies a eu des conséquences négatives sur le stock d’eau dans le sol et sur la production de biomasse. Cela modifie la structure superficielle des sols, leurs états de surface et diminue leur taux de matière organique. Seule une gestion appropriée peut réduire le ruissellement qui vient des versants et compenser les pertes en fertilité et enrichir le sol (cas des jachères mises en défens). Ces dernières s’avèrent intéressantes pour la production de la biomasse et pour la séquestration du carbone dans le sol. Une telle utilisation pourrait assurer un équilibre durable entre la conservation de la fertilité et la productivité du sol. n

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