06 décembre 2002
Les conditions existent, en Algérie, pour une agriculture biologique, affirment les responsables du secteur. Il faut juste mettre en place les outils et les procédures indispensables à la délivrance du label bio. Deux créneaux se prêtent à ce projet : le vin et les dattes.
Le problème de l'agriculture en Algérie n'est pas tant dans les quantités d'intrants - elles restent encore assez faibles et, par hectare, représentent le septième des quantités utilisées dans les pays développés - mais dans la façon dont ils sont utilisés. La pratique phytosanitaire chez la plupart des agriculteurs peut conduire à l'utilisation de produits périmés par méconnaissance des problèmes qu'ils posent. Le pesticide périmé subit une transformation du métabolisme imprévisible et parfois totalement ignorée. Les résidus de pesticides périmés ont un impact non maîtrisé.
L'emploi d'un pesticide périmé est non seulement inefficace mais devient un facteur de pollution du fait de son impact sur l'environnement dû à sa transformation en un produit plus toxique que le produit initial à la suite de la transformation de son métabolisme. Devant ce risque, les pouvoirs publics, c'est-à-dire le ministère de l'Agriculture et du Développement rural (MADR), à travers ses organismes spécialisés, ont engagé deux types d'actions visant à empêcher l'emploi de pesticides périmés : l'éducation phytosanitaire pour sensibiliser les agriculteurs au risque; le contrôle des pesticides à différentes phases (à l'importation, au moment de la commercialisation et même au cours de l'utilisation). Ces deux actions sont complétées par une troisième qui a pour but d'assainir la situation grâce à l'appui du programme d'assistance technique de la FAO et de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POPs). Parmi ces POPs, il y a les HCH, des organochlorés, dont 300 tonnes font partie du stock de pesticides périmés détenu par l'Algérie. Il faut savoir que les organochlorés sont interdits à l'importation en Algérie depuis 1966, ces 300 tonnes avaient été importées en 1963 pour une campagne de lutte anti-acridienne; ils sont stockés sous bonne surveillance à l'INPV et ne comportent aucun risque, leur élimination entre dans le cadre de l'assainissement de la situation des pesticides périmés en application de la Convention de Stockholm).
Avec les produits phytosanitaires, le deuxième risque de pollution est constitué par les engrais chimiques, essentiellement les nitrates. Mais là aussi, ce n'est pas la quantité utilisée qui pose problème mais plutôt la pratique des agriculteurs qui, le plus souvent, ne font pas d'analyses du sol, préalablement à tout apport en engrais dont la fonction est d'amender le sol en éléments manquants. Cette pratique entraîne un épandage d'engrais inappropriés qui n'apportent aucun "plus" à la terre. Pour dépasser cette situation, le MADR s'est doté d'un instrument constitué par le groupe des instituts et centres de formation et de recherche appelé à constituer l'encadrement scientifique et technique de ses politiques agricoles.
Toute cette démarche concernant l'utilisation des pesticides et des engrais chimiques vise à gérer et maîtriser les risques qu'ils comportent sur l'environnement et la santé humaine.
En matière phytosanitaire, il y a une exception algérienne dans le classement des pesticides par volume d'utilisation. On trouve d'abord les insecticides (acaricides), puis les fongicides enfin les herbicides. Alors que, nous explique M. Sid Ali Moumen, spécialiste dans ce domaine et haut fonctionnaire du MADR, dans les pays européens qui servent de référence en la matière, c'est l'inverse : herbicides ( 40 % du volume utilisé, cela se comprend les mauvaises herbes poussent du fait des pluies abondantes), puis les fongicides ( à cause de l'humidité ) et enfin les insecticides ( en dernière position grâce aux actions préventives). Chez nous, les conditions climatiques sont propices à la prolifération des insectes et l'agriculteur a tendance à traiter par insecticide quand il voit les insectes et non pas, préventivement, avant. Quant aux mauvaises herbes, défavorisées par la sécheresse, elles peuvent pousser avec le développement de l'irrigation. Le classement des pesticides par volume utilisé n'est donc pas figé.
Dans tous les cas, les conditions existent, en Algérie, pour une agriculture biologique. Il faut juste mettre en place les outils et les procédures indispensables à la délivrance du label bio. Des mesures sont envisagées pour encadrer le système de production biologique. Il s'agit de la réglementation, la sensibilisation et l'identification de la structure chargée de toutes les missions devant déboucher sur la délivrance du label bio selon les normes internationales, avec mise à contribution de l'assistance technique. Deux créneaux se prêtent à ce projet : le vin et les dattes. En attendant la mise en place des instruments nationaux en vue de la certification, le label sera délivré par les partenaires étrangers. Cette politique visant à développer le créneau porteur de l'agriculture bio bénéficiera du soutien à l'exportation conformément aux exigences de l'Organisation mondiale du commerce vis-à-vis des pays en développement.
M'Hamed Rebah