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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Et si l'agroécologie revitalisait la terre morte?" Par Libre.be

La Libre.be
REPORTAGE > VALENTIN DAUCHOT AU BURKINA FASO   Publié le samedi 28 décembre 2013 à 05h39

Quelle plante va bien pouvoir pousser ici ?", s’interroge Lahmar Rabah en tapant du pied sur un vieux bloc de terre desséché. "On appelle ça Zippelé. Une terre recouverte par une carapace de fer qui la rend dure comme du caillou et quasiment minérale". Au Burkina Faso comme dans la plupart des pays voisins, on en retrouve partout. Dans la brousse, le long des routes, sur les terrains abandonnés… Toutes les zones où la population ne cultive plus.

D’un pas décidé, le chercheur algérien se dirige ensuite vers un coin d’ombre pour retirer de sa tête le grand chapeau de paille qui masque son visage, et éponger son front. Il fait près de 40°C dans la banlieue de Ouagadougou. Le moindre effort est insupportable et on imagine à peine la débauche d’énergie nécessaire pour cultiver un sol aussi compact par une telle chaleur. "L’état de dégradation de ces terres et le manque de matières organiques accentuent encore les effets de la sécheresse", regrette Lahmar Rabah, qui dirige depuis un an une étude expérimentale sur ce terrain proche de la capitale burkinabée. "Mais ce manque de fertilité n’est pas une fatalité. Les paysans ont eux-mêmes développé des techniques totalement naturelles pour revitaliser ces sols, qu’il est grand temps de réutiliser". Des techniques comme le Zaï, de petites cuvettes creusées manuellement dans le sol pour piéger et concentrer l’eau de pluie au pied des plantes qui poussent dans les zones arides.

L’arbuste magique

" Une fois qu’on est parvenu à maximiser les ressources en eau ", poursuit Lahmar Rabah, "on remet de la vie dans le sol". Le citadin européen voit principalement un vieux champ sec, un petit trou en terre, et un arbuste qui ferait une victime idéale pour une pause pipi. Lahmar Rabah, une ressource accessible dans presque tous les villages sahéliens où elle est essentiellement utilisée pour la médecine, qui pourrait transformer un terrain inutile en champ fertile. "Regardez", poursuit le chercheur. "Qu’est-ce que vous voyez ?" Une terre désertique. "Et ?" Une petite bosse où trône un arbuste. "Exactement, le Piliostigma reticulatum. Cette petite bosse, c’est un îlot de fertilité dans un environnement où rien d’autre ne pousse. Avec une racine pivot qui peut descendre jusque 20m, l’arbuste va chercher de l’eau dans les profondeurs du sol pour la redistribuer en surface. Lorsque ses racines et ses feuilles se renouvellent, elles constituent une importante source de fertilité riche en carbone et en éléments nutritifs qui se concentre au pied de l’arbuste et provoque l’activité des termites. Ces termites ramènent de la terre fine vers la surface et créent la petite bosse fertile que vous voyez".

Il suffit alors de combiner cette plante pérenne très sociable avec des plantes annuelles comme le mil, le sorgho ou le niébé pour optimiser leur développement, et les faire pousser sur des terrains réputés incultivables.

"L’arbuste va jouer un rôle de facilitateur pour la culture en améliorant la qualité du sol", précise Lahmar Rabah. "Son gros avantage, c’est qu’il ne prend pas de place. Il ne vient pas rivaliser avec la culture. Quand les céréales poussent, on le coupe au ras du sol, et quand leur cycle de culture est terminé, l’arbuste repart et devient la seule ressource verte de la terre".

10 000 poquets de sorgho

Preuve s’il en fallait, la plupart des pieds de sorgho cultivés dans ce champ expérimental sont plus imposants que les spécimens voisins. "On a mis un tout petit peu d’engrais", concède Lahmar Rabah, "parce que nous sommes partis d’un sol qui ne proposait rien du tout. Mais cette année, nous avons divisé les quantités par deux et on ne mettra plus rien du tout par la suite. La matière organique prendra le relais".

C’est un peu le problème des paysans : les arbustes ne suffisent pas. Il faut apporter d’autres ressources organiques pour stimuler l’activité du sol, mais le fumier, les composts et autres résidus de culture ne sont pas abondants ou prioritairement destinés au bétail. Le Zaï est extrêmement efficace, mais nécessite, lui, près de 500 heures de travail manuel par hectare en pleine saison sèche.

Les paysans vont-ils accepter une telle surcharge de travail ? Ont-ils la maîtrise et la main-d’œuvre nécessaire pour appliquer ces techniques de manière adéquate ? "C’est une vraie question, mais pour moi, l’agriculture de demain sera fortement écologique", estime l’agronome algérien. "Un tout à l’engrais ne servirait à rien. Ces sols sont pauvres, ils ont naturellement une faible capacité à retenir les éléments nutritifs, et si vous y répandez quantité d’engrais minéraux, une bonne partie va se retrouver directement dans les nappes phréatiques ou les barrages". "On réclame la révolution verte et des semences OGM ou hybrides, mais ce n’est pas un système adapté à ce type de terre", poursuit Lahmar Rabah. "Les paysans ont le sentiment que leurs sols ne donneront rien sans intrants, mais l’engrais ne leur est pas toujours accessible et reste très peu disponible. Alors oui, l’agroécologie demande un gros investissement humain et un apprentissage des techniques, mais elle reste accessible financièrement. Je pense que la richesse a détourné l’Europe de l’écologie vers la chimie agricole, mais aujourd’hui, une agriculture plus écologique s’impose de plus en plus". En 2012, la parcelle expérimentale de Lahmar Rabah a produit 1,5 tonne par hectare de sorgho. Trois fois plus que ce que produit un paysan burkinabé sur un espace similaire et sol de meilleure qualité.

Du temps pour changer

D’autres initiatives existent. A une cinquantaine de kilomètres de Ouagadougou, dix villages ont uni leurs forces pour délimiter leurs champs, créer du compost, monter une pépinière et cultiver des champs expérimentaux. Le tout relié par une route bordée d’eucalyptus utilisés en thé pour lutter contre le paludisme.

"Nous avons 700 mm d’eau par an", explique Seidou Kabore, collaborateur de l’association AZD qui chapeaute le projet. "C’est peu, mais c’est assez pour cultiver de manière écologique. Le problème au Burkina, c’est que le paysan est un homme résigné. Il a peur de l’échec parce que si ça ne fonctionne pas, il a tout perdu. Les informations sur l’agroécologie manquent, l’engrais est encore assimilé à une facilité de travail, et il faudra du temps pour changer ces perceptions".

Réunir plusieurs villages pourrait être une solution pour relativiser cette prise de risque, mais chaque localité a ses propres techniques et ses façons de cultiver qui peuvent être incompatibles entre elles. "La solution la plus durable est aussi la plus difficile", conclut Sanou Issouf de la confédération des organisations paysannes. "Mais les gens n’ont pas le choix Les cultivateurs burkinabés ne peuvent pas émigrer. Ils doivent vivre dans ces zones arides et adapter leur terre."

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