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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Quelle marge de manœuvre du gouvernement algérien pour une nouvelle gouvernance locale face à la pression des tribus ?" par Docteurs Abderrahmane et MEBTOUL ET Mohamed TAYEBI (1)

 

 Source: http://www.lemaghrebdz.com/lire.php?id=24488

Docteurs Abderrahmane

MEBTOUL ET Mohamed TAYEBI (1)

 

a- L'administration

Si l'administratif a durant la période coloniale et post-coloniale structuré le rapport population / autorité administrative, qu'elle relève du ministère de l'intérieur ou des autres pouvoirs publics, aujourd'hui avec la démocratie, l'administration des populations locales doit reposer sur d'autres considérations et recourir à d'autres outils. Elle appelle une nouvelle méthode dans le domaine de la gestion administrative et de la communication. Cette dernière est d'ailleurs le point faible de l'administration algérienne. A cet effet, l'administration a perdu de sa crédibilité et peut, par ses comportements autoritaristes, provoquer à elle seule une crise qui entacherait la régularité d'un scrutin sans que personne ne trouve à redire. Il est conseillé de faire un effort qui doit être médiatisé à outrance pour qu'apparaisse publiquement la neutralité de l'administration, quitte à prévoir des scénarios médiatiques dans ce sens comme le fait de sanctionner formellement toute action qui irriterait l'opinion. Depuis quarante sept ans l'administration algérienne a été, ne serait-ce que dans l'esprit des citoyens, un outil qui a toujours fabriqué les élections. Cette entreprise est certes difficile, mais réalisable, si nous déterminons les moyens, nous définissons les acteurs et nous traçons la stratégie (temps, lieux) comme nous avons essayé de le démontrer précédemment.

 

b- L'espace : l'organisation et les enjeux

Si l'organisation administrative de l'espace est souvent source de conflits et concurrences, les hommes eux vivent un rapport plus fécond et plus harmonieux avec leur espace qui n'est pas celui de l'administration comme l'a démontré brillamment Hernando DE SOTO sur " Etat de Droit et sphère informelle " dans l' ouvrage du Docteur Abderrahmane MEBTOUL - ''L'Algérie face aux enjeux de la mondialisation perspectives 2010: bonne gouvernance, démocratie et économie de marché'' (Editions Dar El Gharb, 2004 en trois langues arabe-(anglais- français largement diffusé au niveau international). Dans notre histoire, ce sont les hommes avec leurs équipements anthropologiques (identitaires) qui ont façonné les espaces. Nous avons à l'Ouest de grands espaces historiques qui n'ont jamais été pris en considération dans les découpages administratifs: El Watan Arrachidi, qui regroupe la wilaya de Mascara et des parties des wilayate de Mostaganem, de Bel Abbès, de Relizane; le Tiout qui regroupe la wilaya de Naâma, des parties de Saida, de Tlemcen (El Aricha); le Touat qui regroupe les espaces adrariens et une partie de Bechar. Ces identités spatiales qui auraient pu être prises en considération dans les découpages ont des configurations ethniques où se tissent des alliances et s'imposent à la population par le biais du jaillissement des manifestations du sacré tant dans le temps que dans l'espace (Waâdate, Mawassimn saints, folklore). Ces espaces et leurs codes imposent des comportements plus disciplinés. Ces comportements négocient souvent des espaces d'autonomie face aux contraintes de l'administration et les clientélismes qu'elle a engendrés. L'importance pour le cas des wilayates de l'Est du pays des tribus chaouies n'est plus à démontrer avec des liens solides allant de Batna à Tébessa en passant par Oum Bouaghi. Si anthropologiquement et historiquement un nombre important de tribus berbères a accompagné les armées musulmanes dans la conquête de l'Andalousie, beaucoup de poches et de segments arabes se sont installés. Et une certaine osmose entre les segments s'est produite qui s'étant terminée par une " chaouisation des arabes et une arabisation des chaouis ". Ainsi on peut dire que l'Est algérien est structuré tribalement et spatialement à partir des deux référents, arabe et chaoui c'est-à-dire berbère. En ce qui concerne une région importante, la Kabylie, il est utile d'analyser la réintroduction de la sémantique politique des Ourouch. Le Arch , pluriel ourouch est d'abord un mot arabe qui renvoie à deux significations majeures : le trône qui est synonyme de pouvoir et d'autorité et ensuite le Arch renvoie à une structure anthropologique qui fonde un rapport de parenté et une organisation sociale fondée sur la parenté et sur les alliances structurée autour de plusieurs tribus liguées et soumises dans un cadre consensuel à une autorité collégiale dirigée par un patriarche non pas élu mais désigné sur la base d'un ensemble de critères (la sagesse, l'âge, le hassab, le nassab, la spiritualité, le karam et la puissance de la chouka de sa tribu). Le concept d'élection n'a jamais fait partie de la tradition ourouchienne. Seuls le mérite admis, la générosité reconnue, la sagesse confirmée, la droiture remarquée et l'âge annoncé, permettaient au représentant de chaque segment de siéger, non pour défendre des intérêts segmentaires mais pour gérer les intérêts communs du arch (mariage, dia, crime de sang, solidarité, guerre). Globalement, la structure ourouchienne fait partie du patrimoine organisationnel maghrébin. Et c'est ce patrimoine qui a structuré tout le résistancialisme jihadien et contre lequel la machine coloniale a trouvé les pires difficultés. Concernant justement l'anthropologie des Ourouch, il est peut-être utile de revenir à l'analyse khaldounienne. L'Arch est une structure de parenté et d'alliance transtribale, mais qui prend sa différence comme chez les Arabes à partir des facteurs écologiques, sans que cette différence atténue le poids de la parenté. Les Ourouch des écologies et des économies agraires et rurales ressemblent globalement à un petit conseil ou la représentativité dépend du poids des segments tribaux (parenté) et d'autres équipements anthropologiques. C'est un peu le modèle des Arabes qui vivaient avant l'islam dans quelques Oasis de l'Arabie. Il est donc important pour toute politique socio-économique fiable pour l'Algérie outre de cette rente des hydrocarbures, ressource éphémère expliquant les réserves de change et les dépenses monétaires sans précédent depuis l'indépendance politique qui irriguent l'ensemble du corps social, de tenir compte donc de ces référents anthropologiques comme le montre les expériences réussies de certains pays émergents qui ont réussi à concilier leurs traditions et l'ouverture sur la modernité , étant entendu que ce concept est historiquement daté comme le montre le cycle des civilisations depuis que le monde est monde. Car, la tendance à diaboliser les anciennes structures sociales n'est que l'expression d'abord d'une faillite intellectuelle et le signe d'un manque de clarté politique. En politique, on ne construit jamais du néant. Nous payons aujourd'hui lourdement les négligences d'une gestion erronée de notre patrimoine ethnologique, spirituel et symbolique. Où sont les signes de notre architecture devenue banale et agressive ? Où est notre culture populaire devenue chétive et marginalisée comme l'ont constaté tous les Algériens avec la médiocrité qui caractérise la télévision algérienne, les grands artistes ayant fuit le pays ? La relecture d'Ibn Khaldoun et la " revisite " d'Ibn Rochd sont d'actualité pour ceux qui veulent à leur corps défendant faire la part des choses entre les nécessites conjoncturelles de la Dawla, imposées par les relations internationales et les choix intrinsèques de la Oumma qui eux font références à des référents patrimoniaux qui ont fait la grandeur de cette Oumma à savoir le '' ilm'' (sciences et savoir) et le jihad. Ainsi, la revitalisation politique de l'écologie rurale nous rappelle bien que l'équation du développement et des modernisations ne peut aboutir que par l'intégration de notre anthropologie culturelle, de ces corps sociaux vivants et actifs comme le signalaient, il y a de cela plus de 7 siècles, Ibn Rochd et ensuite Ibn Khaldoun.

 

4- Forces sociales émergentes et assabia ethnico-financière

Ces indications sociologiques de régions sont fondamentales pour notre problématique car elles nous renvoient à la structuration sociale actuelle modelée par la assabia ethnico-financière. Car la mobilisation des forces sociales pour ce genre d'entreprise ne saurait être celle activant dans des structures administratives et partisanes, mais ceux ayant leur influence sur la gestion du communautarisme ethnique, ceux capables de créer des passerelles inter-ethniques en se basant sur les cultures traditionnelles. Dans la plupart des grandes agglomérations (Alger-Annaba-Constantine-Oran) nous assistons à un processus d'urbanité plus poussé qui a engendré une ville globalement cosmopolite. La structure est très hétéroclite, mais il n'empêche que tant dans les ceintures rurales qu'à l'intérieur, nous relevons des plaques ethniques assez puissantes que nous pouvons gérer et exploiter à bon escient pour à la fois créer des réseaux favorables aux réformes et réaliser un consensus. En effet, l'émergence de ces hameaux qui se référent à un lieu dit (village tiartia) renvoie plutôt à un regroupement de parenté et de lignage qui influe sur les choix des populations locales. Cette entreprise de gestion locale, sur la base de la discipline des parentés, est plus utile dans les noyaux ruraux qui entourent ces agglomérations et forment une ceinture de misère qui serait un jour une ceinture de l'insécurité si elle ne l'est pas actuellement. L'animation des gestes communautaristes étouffe les souffles partisans (militants structurés dans des partis ou affiliés à des organisations satellitaires) quand ces derniers sont hostiles aux réformes. Ces populations ont alors besoin d'une nouvelle structure d'animation électorale qui serait entreprise par l'encouragement d'une entrée en scène des meneurs d'opinion formés pour organiser l'opinion en faveur des réformes en question. Dans ces petits îlots, nous trouvons souvent des leaders d'opinion discrets mais très efficaces. Il s'agit de ceux très respectés qui interviennent volontairement dans la gestion de la vie communautaire. Ils s'agit de ceux qui " font sortir le couscous " pendant les fêtes, ou les enterrements. Ceux qui souvent volontairement interviennent dans la gestion des conflits et l'organisation des mariages et les compétitions sportives. Ceux là forment une sorte de " capital humain " mal exploité mais qui peut servir car souvent marginalisé, soit par les pouvoirs publics, soit par la faune des opportunistes qui squatte la vie politique et la détourne de sa vocation sociale. Au cœur de la ville, se bousculent économiquement et politiquement quelques segments qui se réfèrent par discrétion à des espaces. Ainsi, de nouveaux segments constituent les arrivants venus s'installer pour des raisons commerciales ou de carrières. Ils ont globalement intégré ces espaces. Les résurgences identitaires et tribales peuvent les conduire à un comportement conservateur surtout qu'à un certain temps ils ont jouit de privilèges importants qui les poussent progressivement à former des lobbys discrets, mais efficaces. Mais d'une manière générale, les jeux de ces segments qu'il faut déterminer et gérer peuvent être considérés comme un atout pour faire avancer les réformes et la modernité. C'est par rapport à ces référents que s'est constituée la assabia ethnico-financière et dont la structuration sociale évolutive est toujours en gestation. En effet, l'accumulation des richesses a suivi le processus de positionnement des cadres dans les secteurs névralgiques ou même secondaires de l'économie et surtout son domaine public. C'est presque à partir de l'accumulation des richesses dans ce secteur et leur redistribution que s'est construite la structure de classes en Algérie, structuration lente non achevée. Les capitaux douteux, les enrichissements rapides vont faire des diversions. Il s'agit de rassurer sur la nature des réformes à accomplir en montrant que les gagnants de demain seront plus nombreux que les perdants d'aujourd'hui. Car ces richesses sont un enjeu terrible pour les prochaines années et détermineront le pouvoir lui-même, d'où les enjeux actuels dont les scandales distillés, souvent relatés par la presse nationale. En effet, les richesses en Algérie de 1963 à 2010 (capital argent comme à l'époque mercantile du XV et XVI ème siècle en Europe) à ne pas confondre avec l'accumulation du capital du fait d'entrepreneurs créateur de plus value d'où cette volonté de puissance de construire des villas somptueuses où l'importance se compte par le nombre de pièces et donc de tonnes de béton déverses, par une minorité rentière côtoyant des taudis dans la plupart des villes algériennes. Et ce contrairement à la structuration de l'espace urbain et semi urbain de bon nombre de pays, expliquant que la différenciation des classes sociales est en voie de formation, a suivi le processus de positionnement des cadres dans les secteurs névralgiques ou même secondaires de l'économie et surtout son domaine public en fonction des positionnements au sein de la société, des relations tribales, expliquant la faiblesse de véritables entreprenants créateurs de richesses. Ces richesses, tributaires de relations de clientèles et donc de la redistribution inégalitaire de la rente des hydrocarbures façonnent l'actuelle la structure sociale en Algérie, structuration en mutation non encore achevée, pas de changement dans le fond mais dans la forme entre 1963 et 2010.

 

Conclusion

Le développement récent en Algérie, tant local que global, montre que la future structuration politique, sociale et économique est et sera à l'avenir largement influencée encore par les équipements anthropologiques en mutation positivement ou négativement selon la gouvernance, tout en n'oubliant pas les effets de la mondialisation du fait des influences socio- cultuelles et donc des interdépendances accrues des sociétés avec la révolution des systèmes des télécommunications ( Internet). L'analyse anthropologique comme l'a montré brillamment le prix Nobel d'économie l'économiste indien Amara SEN, pour qui il ne peut y avoir de développement durable dans le temps sans démocratie tenant compte des spécificités culturelles, est à prendre en considération. Sa gestion consiste à entreprendre une sorte de carte généalogique de chaque espace et le gérer au cas par cas et non pas en se contentant de positions souvent incertaines ou qui ne le sont plus. Les gouvernants et les économistes doivent tenir compte de la morphologie sociale s'ils veulent éviter de greffer des schémas mécaniques sur le corps social qui inéluctablement les rejetterait avec le risque de coûts financiers croissants et de tensions sociales inutiles .

 

*Abderrahmane

MEBTOUL- Docteur D'Etat Es Sciences Economiques

*Mohamed TAYEBI - Docteur D'Etat En Sociologie- option anthropologie culturelle tous deux professeurs d' Université.

 

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