14 Janvier 2014
Le Changement est un mot qui a le vent fort en poupe en ce début de millénaire, dont on pourrait dire, comme dans cette célèbre réclame française des années quatre vingt , qu’il a la couleur et l’odeur du « printemps », mais qu’il n’en a pas encore vraiment le goût.
Mais que penser de ce Changement ? Ne doit-on pas parler plutôt des changements, c’est-à-dire des diverses façons qu’il existe de changer quelqu’un ou quelque chose ? Sont-ils tous forcements pertinents et bénéfiques au développement humain ? Cette soif perpétuelle de changements dont semble « souffrir » nos sociétés de consommation modernes, n’est-elle pas aussi la meilleure nourriture pour cette obsolescence programmée qui impose son diktat « globalien » à nos quotidiens?
Tout change de nos jours, même le climat est en train de changer. Il parait qu’il se réchauffe dangereusement, à cause des émissions massives de Co2 que rejettent dans l’atmosphère nos sociétés modernes; depuis que la première révolution industrielle a changé la face du monde . On pourrait dire, à ce propos, qu’une telle théorie, si elle est en grande partie fondée pour la communauté scientifique officielle, ne doit pas faire oublier notre tendance contemporaine à ne plus avoir une correcte notion de la permanence. Rien n’a jamais duré éternellement en ce bas monde. Un début aura toujours une fin. La nature, les climats, tout cela n’a jamais vraiment duré sans évoluer; tout est une question de perception du temps.
Tout semble, depuis cette révolution , devoir changer subitement, surtout depuis que les années deux mille ne sont plus seulement le théâtre favori de romans d'anticipation, mais bien celui de notre réalité quotidienne, historique et politique.
Même la Chine, cet empire rural séculier de la Constance confucéenne, n’a pas échappé à cette industrialisation de la philosophie, au syndrome du changement continu. Au point que, dans le grand échiquier des changements globaux , l’Empire du Milieu , aussi léthargique et lent à la détente qu’un « Kung-fu Panda », s’avère être un des acteurs les plus virulent de la théorie du Changement. Ne serait-ce qu’au regard de l’extrême obsolescence des produits dont il inonde le marché mondial, ainsi que des grands bouleversements que peuvent provoquer, dans la plupart des secteurs industriels et financiers du monde, le moindre changement dans ce pays.
Il faut dire que nous vivons à une ère cybernétique dont le fil du temps transcende largement celui du rythme naturel de la vie. Ni les saisons, ni même les jours et les nuits, ne concernent le nouveau modèle d’espace temps virtuel que tous les pays, un tant soit peu développés, se sont peu à peu approprié. Tout circule à la vitesse de l’information, c’est-à-dire bien en dessous de la durée d'une seconde. Les distances n’échappent bien entendu pas à cette règle. Le monde est devenu une vaste toile d’araignée. Un village, même, pour ces marchandises et ces hommes d’affaires qui le parcourent quotidiennement à vol d’avion.
C’est une époque dédiée de la vitesse, à l’instantané. Tout est consommable, jetable, et trop peu de choses sont recyclées...
Comme on dit, ce qui est « vite fait », est-il vraiment toujours « bien fait » ? Tout changement brusque incombe des déchets plus ou moins immédiats. Plus on change souvent de choses, sans s'appliquer à changer le système défaillant qui les produit, plus on accumule également des déchets hautement persistants. Le Changement, c'est un peu un jeu de dominos empilés; un changement volontaire provoque souvent des changements insoupçonnés. Trop de changements consécutifs tuent le progrès et, génèrent le plus souvent une pollution des environnements globale. Quand rien ne dure longtemps, celui qui pense à demain est le plus souvent condamné à mourir aujourd’hui ! Parfois le changement perpétuel est une arme de déstabilisation consciente ou inconsciente, selon les cas…
Le vrai Changement, ce n'est pas le Printemps, car il ne fait qu'annoncer un prochain automne, puis, un hiver suivant.Le sacre des bourgeons n'est qu'une mise à jour de la même et perpétuelle révolution: celles des saisons qui font et défont la pluie et le beau temps depuis que le monde est monde.
Prenez l’exemple de l’écologie. Quand il s’agit d’agir sur un écosystème, il est impossible de tout changer, d'intervenir dans tous les sens, sans provoquer d’énormes dégâts écologiques collatéraux. Tout n’est pas forcement bon à changer quand il s’agit de restaurer un site naturel, même quand il est en état de dégradation avancée. Il faut le plus souvent changer le comportements néfastes des locaux, plus que de modifier l'écologie de ce site et, laisser faire la nature... C’est ce que pensent de plus en plus d’écologistes du monde entier, entendons par cela bien des chercheurs experts en la matière.
Le Changement est une opération qui doit respecter certaines règles naturelles et, à vrai dire, il serait plus judicieux de le concevoir surtout comme le plus proche synonyme du terme Evolution, car ce mot suggère un changement progressif...
« Le Changement c’est maintenant », voilà un célèbre slogan politique français qui a laissé, avec le recul, encore beaucoup de français dubitatifs quant à sa légitimité …Rarement, quand les effets d’un changement ont été instantanés, ils se sont avérés durables. J’aurais plutôt, pour ma part, tendance à penser, comme ces sages paysans de Kabylie, qu’il est bon de planter un arbre même si l’on n’est pas sûr de vivre assez longtemps pour en récolter les fruits.
Souvent, à force d’espérer un changement soudain, on ne fait plus rien au quotidien pour que les choses s'améliorent petit à petit. Le vrai changement, c'est à dire positif, est rarement de nature sensationnelle. Les grandes évolutions de ce monde, la plupart du temps, se sont produites aux cours de plusieurs générations.
Revenons en à l’écologie, de peur d’en arriver à évoquer cette « changinite » ou maladie du changement qui, dans l’espace politique de notre pays, n’a eut de cesse de perturber l’efficience de notre politique environnementale en la privant d’une indispensable vision et d’une action capable de transcender le cours des aléas politiques. De nombreux changements « soudains » de gouvernance. Une symphonie dodécaphonique de chaises musicales dont seuls les compositeurs sont capables d’en discerner le thème central, l’intrigue oseront même à penser certains. Tous ces changements ont été surtout pénalisants parce qu'aucun d'entre eux n'a pris en considération les éventuelles bonnes choses qui auraient pu être réalisées avant le changement ...Tout changer subitement , détruire systèmatiquement, le travail de ses prédesseceurs sans chercher à identifier les mesures pertinentes qui ont déjà été mises en branle. Juste parce qu'il est politiquement correct de changer...
Je préfère, plutôt, Algérien de nature, au lieu de vous parler de politique, vous raconter une histoire qui devrait devenir une fable écologique à enseigner un peu partout en Algérie , tant elle est riche en enseignements pour nos sociétés modernes.
Peu importe le nom de cette île où se déroule notre affaire; disons qu’elle se situe dans le Pacifique, aux abords de l’Australie. Jadis, sur cette dernière on pouvait y admirer une fleur endémique, c’est-à-dire unique en son genre, et ce dans le monde entier. Cette espèce rare régnait même en reine absolue sur toute la surface de ce lopin de terre perdu dans l’immensité bleu de l’Océan.
Puis, il y a de cela bien longtemps, des colons européens vinrent s’installer sur cette île, jusque là déserte. Premier changement. Avec eux, les « farmers » ont amené des lapins qui se sont vite multiplié à travers tout ce petit bout de territoire à présent australien. Ces charmantes petites bêtes, mondialement connues pour leur fertilité débridée, trouvèrent cette fleur endémique fort à leur goût et, à mesure qu’ils proliféraient en ces lieux, cette pauvre créature végétale se mit à se faire de plus en plus rare sur l’île.
Si bien que, pour éviter la disparition de cette fleur si rare et emblématique de cette île, les colons décidèrent de réguler la population des lapins. Ce fut une véritable hécatombe, un écocide qui restera dans les annales mondiales de la population lapine ! Pas l’ombre d’une dent ou d’une patte de lapin à l’horizon après un tel carnage. Deuxième changement.
Que s’est-il passé ? Les fleurs ont-elles depuis repris du terrain sur l’île ? Eh bien non, au contraire cette espèce a totalement disparu depuis de la surface de cette île, donc de la Terre…
Pourquoi ? Eh bien parce que, tout simplement, en amenant les lapins, les colons ont également apporté avec eux des graines de marguerites sauvages. Tant que les lapins, en dévorant une grande partie de leurs pousses, en régulaient la prolifération, cette marguerite se fit une hôte plus ou moins discrète. Mais, dès que son principal prédateur fut éradiqué, elle se lança dans une OPA biologique des plus mortifères pour notre charmante fleur locale.
Pour moi, il existe bien des morales à une telle histoire. Je laisse à chaque lecteur le soin d’en tirer ses propres déductions. Disons qu’une chose est simple à admettre. Le seul changement qui aurait pû être durablement bénéfique à cette fleur rare, ce n’est pas un changement d’ordre écologique. Non, il aurait fallu que la politique expansionniste des Australiens de cette époque change au point qu’ils décident de laisser vierge une cette île au regard de sa grande rareté écologique. Ne rien changer, laisser faire la nature quand cela est plus approprié...
L’Algérie a certes besoin de changements au présent, mais les meilleurs se feront pour construire surtout celle demain. Ce seront des changements de fond, pas de formes. Toute action locale durable présente est potentiellement une source d’un grand changement pour le futur. Il ne faudrait jamais perdre à l’esprit cette évidence.
En ce qui concerne l'environnement , agir par de petits gestes quotidiens, changer progressivement d’état d’esprit, respecter son environnement proche, consommer responsable, il y a tant de façons de changer son entourage pour le rendre plus agréable à vivre au quotidien et, à force, un jour son pays et, qui sait, un autre même, changer toute la planète. Autant qu’il existe de gestes de tous les jours qui nous aparraissent si anodins et pourtant qui détruisent à petit feu l’environnement. Par exemple, changer systèmatiquement un ancien modèle d'un produit acheté hier pour le tout dernier sorti aujourd'hui, juste parce qu'il faut rester à la mode...