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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Dar, douar, dénia...Ou les potentiels fondamentaux d'une Maâna écologique algérienne moderne

Saadi Aissa,  le roi de la récup', quelques années avant sa mort...

Saadi Aissa, le roi de la récup', quelques années avant sa mort...

 

Chapitre 17

"Papy Aissa  le magnifique..." 

Il est temps à présent de vous parler d’un tout autre profil d’Algérien,  qui aura lui aussi profondément influencé mon attachement aux valeurs d’une écologie algérienne moderne. Mais pas seulement,  car cette écologie aspire autant que possible  à demeurer universelle ; avec cependant,  une  manière  des plus endémique d’appréhender son environnement, comme de l'habiter, autant qu'il ne vous habite...

Une vision de l’Algérie  donc à la fois moderne. Tout comme  inscrite également  dans une tradition  ancrée à une sagesse algérienne ancestrale ;  à laquelle nous sommes toutes et tous plus ou moins liés ou bien attachés. En veillant  toujours  à se préserver, au présent, des archaïsmes d’un passé potentiellement mal assimilé.  Ou bien en se gardant tout autant de céder à tous les mirages consuméristes d’un hyper modernisme contemporain ;  érigé autour de nous par le Marché à la mesure d’un véritable  climat mondial. En constante ébullition, mais si froid et cynique dans le fond. De l’âme mécanique qui l’habite,  sommes nous encore capable de s'en inspirer sans perdre celle de notre humanité commune? Retrouver l’Algérie de nature et non celle de toutes les pollutions possibles d’un monde qui en veut toujours plus.  Non pour arriver à des nobles  fins, mais parce que sa finalité absolue est de conquérir égoïstement  la planète dans sa plus totale globalité.

Nous avons de ce fait un besoin  fondamental de nous construire un logiciel humain, individuel, puis collectif,  capable de nous empêcher de nous engouffrer jusqu’à la lie dans une réalité tronquée  par la logique des calculs de masse  glorifiant la quantité. Son culte est l’utilité matérielle, dont les rites quotidiens ne savent le plus souvent que nous déconnecter un peu plus chaque jour de notre nature humaine la plus saine. Pour faire de nous de parfaits petits soldats de la consommation à outrance, les pèlerins abusés d’une quête perpétuelle qui n’a plus grand-chose de spirituelle. Capitaliser la moindre parcelle d’existence, il y a des natures personnelles qui ont accumulées d’immenses fortunes matérielles en se pliant à un tel crédo maléfique.

Mais l’environnement dont ils sont les principaux instigateurs a le plus souvent rompu avec l’utilité la plus originelle de toute vie sur terre : participer à l’évolution de cette planète comme on veille sur son foyer, une maison commune à toute notre espèce, l’ultime radical commun à toutes les manières d’être  humain en ce bas monde.  Mais, le plus souvent, ce qui unie un certain monde à une réalité certaine de ses illusions n’est pas la recherche d’identités, mais de divergences dans le mérite. L’amplitude qui sépare  l’Un de l’Autre est à présent une pyramide de Babel qui a depuis des lustres percée la virginité de l’atmosphère. Du haut de ses quantités astronomiques, en tirant toujours son humanité vers ses plus bas instincts, en se donnant les airs d’un Saint Martin.  Tout  le mensonge de la chose réside dans le fait qu’il soit resté centurion dans l’âme, il ne recouvre de sa cape le pauvre, que pour mieux l’ignorer, pire, l’asphyxier de fausses vérités. Ou de misères bien réelles....

C’est d’ailleurs dans un tel environnement,  qu’un de  mes  autre héros intimes aura vu défiler ses jours.  Il est à vrai dire  presque de la même  génération  que celle de mon grand-oncle El Haidi. Du moins elle  lui succédera avec  environ une décennie de latence. Aïssa Saadi était pourtant  l’oncle de l’épouse d’El Haidi, Nouara Latrèche, principale inspiratrice de mon blog sur l’écologie en Algérie. Un tel paradoxe dans leur filiation n’avait d’ailleurs pas grand-chose  d’insolite pour quelqu’un de leur  âge. Il est le fruit  des aléas, il me semble, d’une époque où, en Algérie, on se mariait fort tôt, tandis que  les familles étaient astronomiques, que  l’on divorçait et se remariait également aussi très souvent. C’était  en tous les cas  la nature du parcours familial de bien des anciens qui auront bercé de leurs sages paroles et actes  mon enfance algérienne. Que j’aurais   vécue par épisodes estivaux, dans un douar paumé dans la nature sauvage épousant les courbes majestueuses de la baie de Guerbes.

Aïssa  était incontestablement  un vieux renard,  survivant de la jungle  encore à peine urbaine de sa vieillesse. Il avait pour cela  adopté une véritable discipline de vie, à laquelle il valait mieux ne pas déroger en sa présence. Elle était basée sur une volonté quasi fanatique de tout recycler, utiliser pour ceci et puis pour cela, et ainsi de suite... Un douar des villes qui a  encore de quoi inspirer bien des écologistes  en herbe algériens ; ces héros  du quotidien, des  petits gestes  sains répétés sans faillir face à laideur ainsi que le laisser aller environnants. Modestes, mais les plus sûrs champions, lors  des batailles,  remportées chaque jour par leur légions solitaires,  qui sont le sel de toutes  les grandes victoires collectives  de demain.

Une écologie algérienne,  non pas uniquement  la science telle qu’elle  pourrait être pratiquée en Algérie ;  mais bien la chose dans sa définition la plus large. Autant globale que locale ; une science, un discours politique, un paradigme social, une philosophie de la vie, un processus économique national et multilatéral. Bref,  une manière d’être Algérien, Algérienne, à bord d’un nouveau millénaire véhiculant ses Siècles tel un vaisseau dans un Océan sans fin apparente. Une  Maâna collective, intime et nationale, ethnique mais pas raciste, patriote mais pas chauvine ; un sens commun produit d’un environnement partagé.

Il s’agit donc aussi d’un projet commun,  qu’il faudrait tout d’abord définir ensemble, comme chacun de son côté. Une écologie qui serait plus profonde que l’écologisme, sans pour autant être assimilée à une sorte de salafisme vert ; sans être rouge d’esprit politique,  elle n’est pas non plus vert capitaliste. Juste une volonté de se ressourcer, non pas pour stagner en eaux troubles. Mais bien pour filer vers de nouveaux rivages  encore inconnus, ou bien oubliés. Bien plus lointains que ce l’on aurait pu l’imaginer ;  en s’engageant sur le fil tortueux et agité de ce qui nous paraissait au début  n’être qu’une paisible petite rivière. Puis, un jour, voici que nous voguons à présent, sans vraiment nous être rendus compte par nous-même, de rivières en fleuves, de deltas  en estuaires. Alors, se profile enfin au regard de notre esprit, l’horizon iodé et vivifiant de la mer originelle ; le fluide primordial, qui a  baigné l’origine de ce Monde où l’Homme se croit à présent le centre là où il n’est que le gardien du cercle autour duquel son univers gravite.

Si vous pouviez apprécier de vos propre yeux, en remontant le temps en ma compagnie,  ne serait-ce que l’allure et donc  tout le panache de ce vieux bonhomme cabochard, mais seulement  en apparence !  Saadi Aïssa vous aurait sûrement fait l’effet d’un de ces princes des quartiers populaires, barons  des villes aux manières de chartriers, mais au courage des nobles  chevaliers. Ce genre de Monsieur  n’a  besoin ni de palais,  encore moins de somptueux accoutrements,  ni de rouler dans une belle voiture ; pour  que la foule détourne systématiquement son regard vers leur direction.  Là où ils passent, il se passera également quelque chose autour d’eux. Il était indéniablement de cette trempe de gaillard.  À cheval sur sa vielle 403 noire,   qui datait des années 1950,  il avait ce quelque chose qui émanait de lui que l’on ne peut ressentir qu’au contact des gens d’exception. Pourtant, le tempérament de ce dernier n’avait en rien, ni la retenue, encore moins le même farouche attachement à la Tradition algérienne qui caractérisait celui de mon héros El Haidi.

Il y a une anecdote que j’aime raconter à son propos. Je la tiens de son véritable petit-fils. Un jour qu’il avait atteint un tel état d’âge et de santé, au point de ne  pouvoir  guère plus se déplacer qu’en chaise roulante,  Mohamed l’emmena faire un tour sur une des plus célèbres plages de Annaba. Lui, « Papy », qui avait parcouru tant de distance dans sa vie, dont le principal métier aura été de prendre le volant de son camion  pour transporter  marchandises et personnels à travers toute l’Algérie. Il en était réduit à contempler l’Algérie de l’an 2000 du haut de sa chaise à deux roues. Il avait sacrément vieilli,  depuis que je l’avais rencontré pour toute première fois, dans le quartier depuis toujours populaire de « Gebent el Ihoud », connu aussi sous le nom de « Ruisseau d’Or ».

Mais il y avait cette lueur enfantine dans ses yeux, qui ne m’a jamais paru s’étioler dans son regard. Sans avoir été témoin oculaire de cette scène, je l’imagine bien  y brûler de ses feux de foudres et d’étincelles mêlées en prononçant cette phrase :

« Ah mon Dieu ! Comme tu es cruel avec moi... (Il souriait à grandes lèvres  en disant cela) Il aura fallu que « Hlat al Dénia » (que le monde paraisse enfin digne d’intérêt) pour tu me demande de quitter ce pays et ce peuple  que j’ai si  souvent maudits ! » Non qu’il n’avait pas la fibre patriote, mais il avait vécu tant de souffrance dans son enfance, vu tant d’horreurs dans sa jeunesse, et se sentait si seul  dans cette société algérienne où il devait vieillir ; tant il avait un code de l’honneur, ainsi que de conduite qui lui donne la légitimité d’être un des premiers éco citoyens , en chair et en os, que j’ai pu  fréquenter dans mon enfance ;  et pas seulement qu’en Algérie !

Aïssa était ours dedans, mais il n’était jamais de ceux qui sont seulement toujours mal léchés. Il avait  en toutes occasions la ganache d’un de ces héros des films du Maestro Fellini. Un seigneur du ghetto, un brin accoutré comme un épicier, toujours équipé sur lui tel un vrai combattant aguerri de la vie urbaine. Je me souviens d’une photo de lui, beaucoup plus jeune que je ne l’ai toujours connu, il avait la beauté sauvage, la force dans le regard, ainsi que la puissance raffinée dans les traits qui auraient pu faire de lui un de ces grands leaders charismatiques de l’Afrique post-coloniale. Il y avait  cette promesse dans ce magnifique portrait, où le noir et le blanc se rencontraient et contrastaient dans de subtile nuances et dégradés  de gris plus ou moins sombres ou éclairés.C'était tout lui, un être à la froid inscisif dans ses jugements et complexe dans ses émotions. 

Mais, avant tout, et c’est bien pour cela que je vous parle de lui, c’était un maitre absolu de la récupération, un fou de recyclage. Comme mon grand-oncle, bien qu’il fût beaucoup plus urbain et occidentalisé que lui, Papy  n’était pas  atteint comme vous et moi de compulsion consumériste. Il n’achetait que ce qu’il ne pouvait se fabriquer lui-même, ou bien ce qu’aucun objet obsolescent ne pouvait remplacer par un nouvel usage qu’il lui aurait trouvé pour ce faire....

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