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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Algérie : Quelle sécurité face à la transition énergétique?

 

afrique

DR ABDERRAHMANE MEBTOUL, EXPERT INTERNATIONAL

Les derniers ouragans dévastateurs posent la problématique de la sécurité mondiale, dont celle de l’Algérie, et de l’urgence d’une transition énergétique. Les études de l’ONU prévoient une sécheresse sans pareille au niveau de l’Afrique du Nord, entre 2020 et 2025.

 

Partout dans le monde, la conjonction de l’instabilité des marchés des énergies fossiles et l’impératif de protection de l’environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposent une révision des stratégies énergétiques. Voilà pourquoi il va falloir en urgence, d’une part, revoir notre mode actuel de consommation énergétique et, d’autre part, exploiter toutes les formes d’énergie et en particulier les énergies renouvelables qui demeurent une alternative incontournable pour les besoins internes en énergie. 

Le monde connaitra une mutation énergétique en 2020, 2030 et 2040
Le poids des fossiles (charbon, gaz et pétrole) reste écrasant (78,3%), tandis que le nucléaire ne joue qu’un rôle marginal à l’échelle mondiale (2,5%). La part des énergies renouvelables est en croissance dans la production d’électricité (23,7% à fin 2015 contre 22,8% à fin 2014), mais elle reste infime dans les transports et les installations de chauffage et de refroidissement. Cette forte proportion pour les énergies fossiles est due aux déséquilibres entre les subventions accordées par les États aux énergies fossiles et celles allouées aux renouvelables : 490 milliards de dollars pour les premières en 2015, contre 135 milliards, soit près de quatre fois moins pour les secondes.
 
Ces blocages n’empêchent pas le secteur de totaliser désormais 8,1 millions d’emplois directs et indirects de par le monde (+ 5% en un an), dont 2,8 millions dans la branche photovoltaïque : 59 gigawatts en 2005, 198 en 2010, 279 en 2011, 283 en 2012, 318 en 2013, 370 en 2014 et 433 en 2015 dont le solaire 227 gigawatts contre 73 en 2005. L’investissement en milliards de dollars est passé de 73 en 2005, 239 en 2010, 279 en 2011, 257 en 2012, 234 en 2013, 273 en 2014 et 286 en 2015. Sous réserve d’investissements à long terme, du fait qu’actuellement ce sont les coûts de développement des technologiques et des investissements dans les équipements de production (turbines éoliennes, modules solaires, chaudières biomasse, etc.) qui pèsent sur le coût des énergies renouvelables, à l’avenir, celles-ci deviendront des énergies moins chères et aux prix stables. Concernant la baisse des coûts, l’AIE constate que le prix des systèmes photovoltaïques a été divisé par deux et parfois plus en cinq ans (entre 2008 et 2012).
 
Aujourd’hui, rejoignant les coûts de production de l’hydroélectricité, certaines technologies comme certaines énergies renouvelables ont pratiquement atteint la parité avec les coûts de l’électricité d’autres sources d’énergie classiques si l’on tient compte des subventions allouées à ces dernières. Les énergies renouvelables disposent d’atouts essentiels pour prendre une place importante dans les bouquets énergétiques des pays, de rapprocher les sites de production des centres de consommation, de réduire la dépendance de ces pays aux énergies fossiles, contribuer à la sécurité d’approvisionnement et à l’indépendance énergétique, permettent une maîtrise à long terme des prix de l’énergie, constituer les vecteurs les plus adaptés de développement de la production d’énergie décentralisée, offrir un potentiel considérable de développement industriel et de nouvelle croissance et contribuer à limiter les impacts de la production d’énergie sur l’environnement : diminution des émissions de gaz à effet de serre, réduction des effets sur l’air, l’eau et les sols, absence de production de déchets, les installations de production d’énergies renouvelables affectent très peu l’environnement, la biodiversité et le climat.
 
Selon le rapport de Bloomberg New Energy Finance (BNEF), il s’agira d’investir pour couvrir la demande mondiale en énergie, environ 2 100 milliards de $ d’ici à 2040 pour les énergies fossiles, à faire face aux 7 800 milliards investis en renouvelables. Ainsi, les énergies renouvelables fourniront alors un quart de l’électricité mondiale contre 20% aujourd’hui. Mais, pour assurer une transition énergétique pérenne, il faut d’importants investissements, et leur adaptation, dans les réseaux électriques afin d’absorber, de redistribuer une plus grande proportion de courant produit par les énergies renouvelables pour le stockage d’énergie et gérer la demande d’unités de production d’électricité flexibles sur l’importance de décentraliser la production d’énergie afin de les rapprocher des «points de communication». Ainsi, le monde s’oriente vers une importante mutation énergétique reposant sur un mix, les compagnies investissant d’ores et déjà dans des énergies alternatives. Selon le rapport de Bloomberg New Energy, il est prévu un renversement des consommations énergétiques en 2025 : une chute de la demande en énergies fossiles et une nette augmentation de la demande en énergies alternatives. Cette tendance doit être analysée en tenant compte du développement exponentiel des technologies (télécommunications, Internet, multimédia…) de plus en plus électro-dépendantes, tant dans le cas de nos économies développées que dans le cas de la consommation à venir pour permettre l’accès à l’énergie de 1,3 milliard de personnes dans le monde vivant encore sans éclairage, sans télécommunications, etc.
 
Les conclusions du rapport du GIEC publié en janvier 2015 et du rapport de Rachel Kyte, vice-présidente de la Banque mondiale chargée du développement durable, montrent une intensification de plus en plus visible partout dans le monde d’événements climatiques extrêmes (sécheresses, canicules, pluies diluviennes, inondations, ouragans, typhons…), lourdes pertes humaines (2 millions et demi de personnes sur les 30 dernières années), multiplication du nombre de réfugiés climatiques (plus de 20 millions selon le Conseil norvégien pour les réfugiés) et des coûts financiers liés à ces catastrophes naturelles en forte augmentation (200 milliards par an au cours de la dernière décennie, soit 4 fois plus que dans les années 1980). 

Transition énergétique et sécurité nationale
La sécurité nationale étant posée, l’Algérie en ce mois de septembre 2017 ne connait pas encore de crise financière, mais une crise de gouvernance. Le risque sans correction de l’actuelle politique économique et notamment industrielle dont le résultat est mitigé ces dernières années contrairement à certains discours démentis par le terrain est d’aller droit vers le FMI à l’horizon 2018-2019 ou cohabiteront crise financière et crise de gouvernance. Le défi principal donc de l’Algérie entre 2017-2030 sera la maîtrise du temps.
 
C’est dans ce cadre que doit être mis en œuvre le Programme national de développement des énergies renouvelables en Algérie, qui prévoit une production d’ici à 2030 de 22 000 mégawatts d’électricité de sources renouvelables, destinée au marché intérieur, en plus de 10 000 mégawatts (MW) supplémentaires à exporter. L’objectif est de réduire de plus de 9% la consommation d’énergie fossile à l’horizon 2030 et d’économiser 240 milliards m3 de gaz naturel, soit 63 milliards de dollars sur 20 ans. Ainsi, environ 400 MW ont été réalisés à partir d’énergies renouvelables à travers la centrale électrique hybride de Hassi R’mel (100 MW) et la centrale solaire pilote de Ghardaïa (1,1 MW), auxquelles s’ajoutent 22 stations électriques solaires d’une capacité de 343 MW à travers 14 wilayas, dont 270 MW qui sont déjà en service. Un appel d’offres national et international est prévu pour la production de 4 000 MW d’électricité à partir de sources renouvelables avec un cahier des charges obligeant les investisseurs nationaux et étrangers de produire et d’assurer le montage local des équipements industriels de production et de distribution des énergies renouvelables, notamment les panneaux photovoltaïques. Selon des déclarations officielles de responsables du secteur courant 2016 reprises par l’APS (donc avant le nouveau découpage gouvernemental), Sonatrach devait lancer des avis d’appel d’offres où trente-quatre entreprises étrangères sont en course pour la réalisation d’un parc solaire en Algérie de 10 MW à Bir Rebaa Nord, dans l’est de l’Algérie.
 
Il est cependant nécessaire pour réaliser ce programme, qui dégagera 300 000 postes directs d’emploi, de procéder à des investissements à hauteur de plus de 100 milliards de dollars à l’horizon 2030. Outre une nouvelle politique des prix, Sonatrach ne pouvant assurer à elle seule cet important investissement, il y a lieu de mettre en place une industrie nationale dans le cadre d’un partenariat public-privé national/international. Celle-ci doit comprendre tous les éléments de la chaîne de valeur renouvelable, dont l’ingénierie, l’équipement et la construction afin d’accroître le rythme de mise en œuvre, des études sur la connexion de ces sites aux réseaux électriques. Ce sont des choix stratégiques pour assurer la sécurité énergétique du pays et assurer la transition énergétique qui se fera progressivement, car il est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique nationale est en croissance importante et va continuer de l’être.
 
En effet, l’Algérie à travers des subventions généralisées et mal ciblées est l’un des modèles les plus énergétivores en Afrique et en Méditerranée, avec un taux de croissance qui a atteint ou même dépassé les 14% par an pour l’électricité. Les prévisions de la CREG annoncent des besoins internes entre 42 (minimum) et 55 (maximum) milliards de m3 de gaz naturel en 2019, alors que Sonelgaz prévoit, quant à elle, 75 milliards de m3 en 2030. Selon le bilan énergétique 2015, publié par le secteur, la répartition de la consommation d’énergie primaire est la suivante: production totale : 155 millions TEP, dont 63% exportés et 37% consommés sur le marché intérieur (y compris pour la génération électrique). Quant à la consommation des ménages et autres, elle aurait atteint 16,5%, la consommation des transports 13% et la consommation de l’industrie & BTP 7,5%. En Algérie, il existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif, idem pour les carburants et l’eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 5% du produit intérieur brut.
 
Aussi, des actions coordonnées doivent être mises en place dans le cadre d’une vision stratégique de développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Parallèlement, il s’agira d’améliorer l’efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur (environ un dixième du prix) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales. C’est la plus grande réserve pour l’Algérie, ce qui implique une révision des politiques de l’habitat, du transport et une sensibilisation de la population devant revoir la politique des prix. L’on doit durant une période transitoire ne pas pénaliser les couches les plus défavorisées, la politique de l’Algérienne des Eaux étant intéressante à étudier. A cet effet, une réflexion doit être engagée pour la création d’une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l’aval du parlement pour plus de transparence. Une chambre devant réaliser un système de péréquation, tant interrégionale que socioprofessionnelle, segmentant les activités afin d’encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale. 

En résumé, le passage de l’ère du charbon à celle des hydrocarbures ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de charbon, et demain d’autres sources d’énergie. Cela est dû aux nouveaux procédés technologiques qui produisent à grande échelle et qui ont permis de réduire les coûts, ce que les économistes appellent les économies d’échelle influant d’ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et sur les gouvernances locales et mondiales. Pour l’Algérie, c’est la problématique de sa sécurité énergétique qui est posée, avec l’urgence d’une transition énergétique raisonnable et maîtrisée s’insérant dans le cadre global d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Cela suppose un large débat national sur le futur modèle de consommation énergétique et de lever toutes les contraintes bureaucratiques d’environnement qui freinent l’expansion de l’entreprise créatrice de valeur ajoutée et son fondement l’économie de la connaissance. En bref, voilà pourquoi il va falloir en urgence, d’une part, revoir le mode actuel de consommation énergétique et, d’autre part, exploiter toutes les formes d’énergie et en particulier les énergies renouvelables qui demeurent une alternative incontournable pour les besoins internes en énergie.

DR ABDERRAHMANE MEBTOUL, EXPERT INTERNATIONAL

 

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